Certaines fonctionnalités de ce site reposent sur l’usage de cookies.
Les services de mesure d'audience sont nécessaires au fonctionnement du site en permettant sa bonne administration.
ACCEPTER TOUS LES COOKIES
LES COOKIES NÉCESSAIRES SEULEMENT
CONNEXION
Valider
Mot de passe oublié ?
Accueil > Actualités > Politiques > Liberté du commerce et droit de la concurrence sur le domaine public : retour vers une certaine orthodoxie
POLITIQUES

Liberté du commerce et droit de la concurrence sur le domaine public : retour vers une certaine orthodoxie

PUBLIÉ LE 1er DÉCEMBRE 2012
LA RÉDACTION
Archiver cet article
Toute l'information de cette rubrique est dans : Environnement Magazine
Le magazine pour les acteurs et décideurs du développement durable et des métiers de l’environnement.
D ans son Précis de droit administratif paru en 1943 (1), Louis Rolland affirmait à propos des caractères généraux de l'occupation du domaine public que : « Dans un certain nombre de cas, les particuliers, ont vis-à-vis des dépendances du domaine public, des pouvoirs spéciaux résultant d'une intervention de l'administration en leur faveur. Il s'agit toujours d'une occupation faite par un particulier d'une dépendance domaniale, d'une façon permanente, à titre privatif, pendant une durée plus ou moins longue. (…) Il est normal en outre que ce bénéficiaire soit astreint à verser en retour une certaine somme. » Le Commissaire du gouvernement Gazier ajoutait dans ses conclusions sous l'arrêt Daudignac du 22 juin 1951 (2), concernant l'activité de photographe ambulant sur le domaine public, que « là où aucune loi n'est intervenue, le principe subsiste toujours, qui demeure le droit commun de l'activité industrielle en France (…) la liberté du commerce et de l'industrie (…) ». Cette approche retrouve toute son actualité au regard de la jurisprudence récente. I. PRÉCISIONS SUR LA NOTION D'UTILISATION DU DOMAINE L'article L. 28 du Code du domaine de l'État, aujourd'hui abrogé, précisait que : « Nul ne peut sans autorisation délivrée par l'autorité compétente occuper une dépendance du domaine public national ou l'utiliser dans des limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous. » Cette notion traditionnelle d'occupation s'est vue adjoindre une notion plus récente d'utilisation par les dispositions de l'actuel article L. 2125-3 du Code général de la propriété des personnes publiques selon lequel « la redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation (3) ». Ce recours à ce concept d'utilisation a pu laisser penser que le domaine public pouvait être l'objet d'une autre activité privative que la stricte occupation de celui-ci. De manière très élégante, le professeur Pierre Soler-Couteaux a proposé comme explication le fait que : « La formule “occupation” ou “utilisation” vise à distinguer selon que l'usage du domaine réalise ou non une emprise sur le domaine, distinction à laquelle correspondent le permis de stationnement et la permission de voirie (4) ». Néanmoins, cette proposition n'a pas à notre connaissance reçue à ce jour de consécration jurisprudentielle. Plus étonnant encore, la notion d'utilisation a donné lieu à des interprétations particulièrement audacieuses. Ainsi, la commune d'Avignon a décidé, par une délibération du 20 octobre 2010, de créer une redevance pour utilisation du domaine public, applicable à tout distributeur automatique de billets de banque, installés en façade de bâtiment et accessibles directement depuis le domaine public, ainsi que pour tous les commerces pratiquant des ventes ou activités diverses au travers de vitrines ou de comptoirs ouvrant sur le domaine public sur lequel stationnent les clients. Ainsi, l'existence même des commerces et des distributeurs de billets, donnant sur la voie publique (et pourtant n'exerçant pas directement cette activité sur le domaine) « est intrinsèquement liée à l'accès direct au domaine public » (5). Pour la cité des Papes, les clients des banques et des commerces qui pratiquent leurs achats sur la voie publique utilisent, pendant le temps de l'opération, le domaine public. Il s'agit bien d'une utilisation à « caractère privatif, dès lors que 1°) la transaction ne peut avoir lieu que si le client stationne sur le domaine public ; 2°) un piéton, usager du domaine public, ne peut circuler librement au droit de ces types de commerce ou d'ailleurs d'un distributeur automatique de billets, lorsque les transactions sont en cours (6). » Le tribunal administratif de Nîmes a reconnu (7) que pouvait être prélevée une redevance auprès des commerçants en l'état d'une « utilisation » du domaine public, telle que précédemment décrite, tout en reconnaissant qu'il n'y a pas occupation matérielle du domaine. Cette interprétation intervient alors que pourtant, quelques mois avant, le tribunal administratif de Grenoble avait considéré, dans une situation similaire, qu'il ne pouvait être institué un droit de voirie du fait de l'installation d'un distributeur automatique de billets se trouvant en surplomb du domaine public (8). Mais, comme le souligne Madame Florence Hery, dans ses conclusions sur le jugement du tribunal administratif de Nîmes, ce jugement était rendu alors même que le Code général de la propriété des personnes publiques n'était pas encore entré en vigueur (9). C'est donc parce que l'article L. 2125-3 a évoqué la notion d'utilisation, à côté de la notion d'occupation, que le tribunal administratif de Nîmes a cru pouvoir reconnaître la légalité de cette redevance. La cour administrative d'appel de Marseille a mis fin à cet écart dans le cadre d'un arrêt du 26 juin 2012 (10). Elle a précisé que : « L'utilisation d'une dépendance du domaine public d'une personne publique, dans les limites ne dépassant pas le droit d'usage qui appartient à tous, ne nécessite la délivrance d'aucune autorisation et ne donne pas lieu à assujettissement au paiement d'une redevance au titre de cette utilisation. » Ainsi, la Cour redonne au concept d'utilisation du domaine public un sens plus traditionnel : l'utilisation du domaine peut être collective ou privative, alors que l'occupation ne recouvre que la dernière situation. En outre, seule une occupation justifie le règlement d'une redevance (11). Ce retour vers l'orthodoxie concerne aussi le rapport entre l'occupation du domaine et le droit de la concurrence. II. L'OCCUPATION DU DOMAINE AU REGARD DE LA LIBERTÉ DU COMMERCE ET DROIT DE LA CONCURRENCE Le Conseil d'État, dans le célèbre arrêt de Section du 26 mars 1999 (12), a considéré que lorsque conformément à l'affectation des dépendances du domaine public, celles-ci sont le siège d'une activité économique, le gestionnaire du domaine doit prendre en considération « les diverses règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ou l'ordonnance du 1er  décembre 1986, dans le cadre desquelles s'exercent ces activités ; qu'il appartient alors au juge de l'excès de pouvoir, à qui il revient d'apprécier la légalité des actes juridiques de gestion du domaine public, de s'assurer que ces actes ont été pris compte tenu de l'ensemble de ces principes et de ces règles et qu'ils en ont fait, en les combinant, une exacte application ». Cette espèce ouvrait la voie à la mise en place d'une procédure de transparence et de mise en concurrence pour toute occupation du domaine public. En théorie, la question pouvait même se poser pour une commune envisageant d'autoriser une terrasse de café, sur un trottoir, de former un appel d'offres entre les différents établissements mitoyens intéressés. Un contentieux est effectivement né, concernant les conventions d'occupation du domaine public que signaient certaines communes, confiant le toit d'un bâtiment public à une entreprise pour y installer des panneaux photovoltaïques. Certaines juridictions du fond ont considéré qu'une convention relative à un contrat d'occupation de toiture publique aux fins d'implantation et d'exploitation d'équipements photovoltaïques pouvait être connue du juge des référés précontractuel au titre du manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence (13). Le juge base son argumentation sur le fait que la convention ne prévoit pas seulement l'occupation du domaine public, mais une exécution par l'occupant de travaux d'installation de matériels photovoltaïques et surtout d'entretien des toitures en contrepartie du contrat. Cependant, cette interprétation apparaît manifestement excessive, même si ont été pris en considération certains éléments rapprochant le contrat litigieux d'une délégation de service public. Ici encore la jurisprudence récente vient donner un coup d'arrêt à ces interprétations audacieuses pour revenir à des solutions plus traditionnelles. Le mérite de cette clarification revient à l'arrêt désormais de principe Ville de Paris et associations Paris Jean Bouin c/ Association Paris Tennis (14), qui précise que la convention en litige conférant à l'Association Paris Jean Bouin un droit d'occuper et d'utiliser de façon privative les dépendances du domaine public de la ville de Paris, sans lui conférer ni à tout autre occupant, ni la propriété commerciale, ni la qualité de concessionnaire de service public, ou de concessionnaire d'ouvrages ou de travaux publics, ne constitue qu'une simple convention d'occupation du domaine. Les règles des dispositions de l'article L. 1411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales relatives à la publicité et la mise en concurrence en matière de délégation de service public ne s'appliquent donc pas. Plus récemment le Conseil d'État (15) a confirmé l'affirmation selon laquelle la délivrance ou non d'une autorisation d'occuper le domaine public « n'est pas susceptible par elle-même de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique (…) qu'elle ne puisse prendre elle-même en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public. » À cela la juridiction ajoute une seule restriction : « La personne publique ne peut toutefois délivrer légalement une telle autorisation lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l'occupant en situation d'abuser d'une position dominante, contrairement aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce. » La juridiction fixe donc désormais de manière très claire que les conventions d'occupation du domaine ne sont pas soumises au droit de la concurrence et ne doivent donc pas être précédées de procédures préalables de mise en publicité et de transparence. En effet, dans la mesure où le titulaire de la dépendance du domaine public n'exerce pas lui-même une activité économique, cette autorisation ne porte pas atteinte aux règles de la liberté du commerce et de l'industrie, que l'on peut ici assimiler à de la libre concurrence (16). En définitive une mise en concurrence ne doit intervenir que dans des situations exceptionnelles (cas d'une infrastructure essentielle, seule capable de recevoir l'activité unique ; un héliport par exemple (17)). En dehors de ce cas, le gestionnaire du domaine doit simplement se borner à respecter les principes classiques des libertés du commerce et de l'industrie en n'intervenant pas directement sur le terrain économique. Des avancées jurisprudentielles ont aussi concerné la question du paiement d'une redevance pour occupation irrégulière. III. REDEVANCE ET RÉGIME DE L'OCCUPATION IRRÉGULIÈRE Le juge, suivi en cela par les dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques et notamment l'article L. 2125-1, a toujours fixé comme règle que toute occupation du domaine public, excédant le droit d'usage qui appartient à tous, devait faire l'objet d'une redevance (18). Néanmoins, la question se posait concernant les occupations domaniales n'ayant pas fait l'objet d'autorisations du gestionnaire du domaine. Il est vrai que lorsqu'un contrat, relatif à l'occupation du domaine, venait à échéance ou était frappé de nullité, il était loisible à l'administration soit de prendre un titre exécutoire, soit d'agir en indemnisation du dommage causé par l'occupant sans titre (19). Mais la question, qui n'avait pas reçu de réponse, était celle du paiement d'une redevance, par un occupant sans titre du domaine public, n'ayant jamais été contractuellement lié avec le titulaire du domaine. Cette question a reçu une réponse par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 janvier 2001 (20). Cette espèce en se basant sur les dispositions de l'article L. 2125-1 et suivants du Code général de la propriété des personnes publiques a validé la création d'une redevance de stationnement par la commune de Béziers applicable aux autobus stationnant en sa gare routière et ce sans aucune autorisation, ni convention d'occupation du domaine. Ainsi le régime applicable aux occupants irréguliers du domaine public se voit aligné sur celui des occupants réguliers. D'autres jurisprudences récentes sont venues encadrer ce régime naissant, applicable aux occupants sans titre du domaine public. Ainsi le Conseil d'État, dans le cadre de sa jurisprudence du 16 mai 2011 (21), a fixé comme règle qu'une commune est fondée à réclamer à l'occupant sans titre du domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait dû percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. À cette fin, celle-ci doit calculer le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, « soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine, soit à défaut de tarif applicable, par référence aux revenus, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal ». La Haute Juridiction a également rappelé dans cette espèce sa jurisprudence selon laquelle l'application d'un taux majoré pour occupation irrégulière s'apparente à une pénalité et est dépourvue de légalité (22). Le calcul doit donc être pratiqué selon un mode analogue à celui d'une occupation régulière et dans les conditions de l'article L. 2125-3 du Code général de la propriété des personnes publiques. Enfin, le juge est venu compléter ce régime applicable à l'occupation irrégulière par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 31 juillet 2012 (23). Dans cet arrêt a été posée la règle selon laquelle il ne résulte d'aucun texte législatif ou réglementaire l'obligation de précéder la fixation des sommes dues au titre de l'occupation irrégulière d'une procédure contradictoire autorisant l'occupant du domaine à présenter ses observations. Ici encore, même si l'évolution de la jurisprudence a été moins erratique, il pourra être constaté que celle-ci se conforme à l'approche des auteurs classiques quant à l'occupation privative du domaine public qui, par principe, est soumise à redevance.
PARTAGEZ
À LIRE ÉGALEMENT
La canicule, nouveau motif de chômage technique dans le BTP
La canicule, nouveau motif de chômage technique dans le BTP
Service civique écologique : 50.000 missions attendues d'ici 2027
Service civique écologique : 50.000 missions attendues d'ici 2027
Capture et stockage de CO2 industriel : l'Etat lance un appel à projets
Capture et stockage de CO2 industriel : l'Etat lance un appel à projets
Industrie verte :  55 sites « clés en main » dévoilés par le gouvernement
Industrie verte : 55 sites « clés en main » dévoilés par le gouvernement
Tous les articles Politiques
L'essentiel de l'actualité de l'environnement
Ne manquez rien de l'actualité de l'environnement !
Inscrivez-vous ou abonnez-vous pour recevoir les newsletters de votre choix dans votre boîte mail
CHOISIR MES NEWSLETTERS