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POLITIQUES

Autoroutes : logements d'astreinte et domanialité publique

PUBLIÉ LE 1er DÉCEMBRE 2012
LA RÉDACTION
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P ar opposition au domaine privé, le domaine public est constitué de l'ensemble des biens (meubles ou immeubles) appartenant à l'État, aux collectivités territoriales, aux groupements ou établissements publics, et affectés à une utilité publique, conformément au Code général de la propriété des personnes publiques (Cgppp) (1). Si domaine public il y a, cela signifie en effet qu'a contrario il existe un domaine privé, y compris pour ces personnes morales, assorti bien entendu d'un régime juridique différent. Les biens qui constituent le domaine privé sont des biens qui n'ont pas fait l'objet d'une affectation permettant son entrée dans le domaine public. Cette définition en creux est importante, car le domaine public est particulièrement protégé – règles d'inaliénabilité (ne peut être vendu et donc exproprié), d'imprescriptibilité (pas de prescription acquisitive, d'acquisition par possession prolongée), d'insaisissabilité (saisie et hypothèques impossibles), d'incessibilité, par ailleurs rappelées dans le code (2). Intéressons-nous maintenant plus précisément à une partie du domaine public, la route. Le domaine public routier avant et après le Cgppp Quels sont les biens qui composent le domaine public routier ? La jurisprudence a dégagé au fil du temps et des décisions des critères qui ont été repris en 2006 par le Cgppp (3), leur donnant ainsi un fondement législatif. Aujourd'hui, l'article L. 2111-1 dudit code dispose que « le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public, pourvu qu'en ce cas il fasse l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ». Sont donc présentées dans cet article trois conditions indispensables : – la propriété publique exclusive, c'est-à-dire l'appartenance aux personnes visées à l'article L.1 : l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que les établissements publics. Par conséquent, un bien appartenant à une personne privée ne peut pas être inclus dans le domaine public (4). Il faut également qu'il y ait une propriété exclusive. Est donc exclu par exemple le régime de la copropriété (5) ; – l'affectation directe et effective, pour que les usagers puissent utiliser le bien directement (6) (les routes, par exemple) ou que ce dernier soit lié à un service public (citons les gares, les palais de justice) (7) ; – un aménagement ad hoc, plus précisément indispensable. Certaines catégories de biens sont incluses dans le domaine public par la loi. C'est le cas des autoroutes : elles sont ainsi définies par le Code de la voirie routière (articles L. 122-1 et suivants) et le Cgppp (article L. 2111-14). Mais, au-delà de cette simple définition, quid des dépendances directes ? Avant le Cgppp, le juge se sert de la théorie de l'accessoire pour les définir (8). Ce précepte permet l'entrée dans le domaine public d'un bien non affecté à l'usage direct du public ou non affecté à un service public. Cette théorie ne joue qu'à la condition préalable que le bien appartienne à une personne publique. Pour le juge fait donc partie du domaine public tout bien qui a un lien physique étroit, géographique ou un lien utile, fonctionnel avec un ouvrage public (9) et qui présente un aménagement spécial (10), c'est-à-dire matériellement réalisé par la main de l'homme. Avec la refonte du code du domaine de l'État et la publication en 2006 du Cgppp, la notion d'aménagement a été redéfinie et l'adjectif « spécial » a été remplacé par celui, plus restrictif, « d'indissociable (11) ». Le législateur a voulu ainsi redessiner le concept de domanialité publique devenu très vaste allant jusqu'à englober des cas de domanialité publique virtuelle ou à inclure des biens qui individuellement ne répondent pas aux critères du domaine public. Il a ainsi désiré mieux gérer le domaine public et par le fait valoriser ce qui était devenu dès lors inutile : « L'existence d'un simple aménagement spécial n'est ainsi plus suffisante pour caractériser la nature domaniale d'un bien. Il s'agit de proposer une définition qui réduit le périmètre de la domanialité publique » (12). L'accessoire suit le principal Le Cgppp en son article L. 2111-2, immédiatement après l'article L. 2111-1 qui précise les critères de la domanialité publique, dispose par conséquent que : « font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable ». Le Code maintient donc la théorie jurisprudentielle de l'accessoire. Il dispose que font également partie du domaine public les biens des personnes publiques qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable. Mais le législateur a là aussi souhaité encadrer cette théorie : d'alternatifs, les critères sont devenus cumulatifs. Il exige la combinaison des critères fonctionnel et physique. On notera par ailleurs que le champ d'application de cette notion se réduit désormais aux biens affectés à un service public et ne concerne plus les biens affectés à l'usage direct du public (13). C'est d'ailleurs ainsi qu'elle avait été appliquée à l'origine (14). Mais, avec le temps, les dérives avaient été nombreuses. On se souvient que l'application de façon extensive de ce critère avait par exemple conduit le juge à admettre l'affectation au service public du garage de l'hôtel Terminus de la gare Lyon-Perrache ouvert aux usagers de la Snc f pendant la durée de leurs déplacements en raison uniquement de sa proximité immédiate (15). On se souvient également de la critique formulée par Jean Dufau dans son ouvrage sur le domaine public (16) : « Autrement dit, l'aménagement spécial – contrairement à ce que le mot spécial tend à suggérer – n'est pas un aménagement particulier, original, propre aux biens du domaine public. C'est tout simplement un aménagement qui a pour but d'adapter le bien considéré au service public auquel il est destiné ». Et de citer les propos de Daniel Labetoulle : « rien ne ressemble autant aux bâtiments d'une école publique que ceux d'une école privée ». Puis de conclure : « Il n'y a pas lieu de s'interroger sur le caractère “particulier”, “original” de son aménagement, mais seulement sur son existence ou son absence. » Bien plus encore, avant le code, le domaine public virtuel (17) venait en contradiction avec la théorie de l'affectation puisqu'avec cette évolution, elle n'était plus indispensable pour qu'un bien entre dans le domaine public. Cette possibilité avait fini par élargir énormément le domaine public. Aussi le juge a désiré mettre un frein à cette interprétation. Ainsi en 1979, il décide que des terrains apportés par l'État à une société concessionnaire en vue de leur utilisation éventuelle pour l'aménagement d'une autoroute ne font pas partie du domaine public tant qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une affectation et d'un aménagement particulier que l'on peut objectivement constater (18), que cet aménagement soit achevé ou tout simplement en cours (19). En fait, cette théorie de l'accessoire doit rester une exception. Elle est un mode d'incorporation, mais pas un mode d'acquisition (et a fortiori pas une ouverture à une éventuelle aliénation !). C'est donc la réalisation certaine et effective d'aménagements indispensables afin de concrétiser l'affectation d'un immeuble au service public qui déterminera de manière objective l'appartenance d'un bien au domaine public (20). Depuis ce nouveau code, on pouvait, à juste titre, se demander si le juge allait de son côté maintenir la théorie jurisprudentielle de l'accessoire ou l'amender. La question s'est récemment posée pour des logements d'astreinte réservés au personnel de permanence assurant la continuité du service public qu'est l'autoroute. Par une décision datée du 23 décembre 2011, le Conseil d'État vient dissiper toute éventuelle incertitude (21) à ce sujet. Rappel des faits La société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône a confié à plusieurs entreprises la construction de cinq pavillons dans un centre d'entretien de l'autoroute A5 à Soucy (Yonne) afin d'y loger le personnel affecté à l'entretien et à la sécurité de cette voie. À la suite de problèmes apparus sur ces bâtiments (d'importantes infiltrations d'eau au niveau des baies vitrées), la société a recherché devant le tribunal administratif de Dijon la responsabilité solidaire des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale. Ce dernier a rejeté sa demande comme étant portée devant un ordre de juridiction incompétent. Le concessionnaire interjette donc aussitôt appel (22). Mais par arrêt n° 08LY01821 du 8 avril 2010, la cour administrative d'appel de Lyon confirme le jugement: « Considérant que les contrats conclus entre personnes privées sont, en principe, des contrats de droit privé, quels que soient leur objet et leur contenu, et relèvent, par suite, de la compétence du juge judiciaire ; que la société requérante ainsi que les constructeurs dont elle entend voir engager la responsabilité sont des personnes de droit privé ; que les contrats passés avaient pour objet la construction de logements de fonction du personnel d'un centre d'entretien secondaire de l'autoroute A5 ; qu'ainsi ces contrats ne portaient pas sur la construction de l'ouvrage autoroutier lui-même ; qu'il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que la Sappr aurait agi en vertu d'un mandat que lui aurait confié l'État ; qu'il suit de là que les contrats passés entre cette société de droit privé et les constructeurs en cause pour la construction des pavillons litigieux, qu'ils soient ou non implantés sur le domaine public, sont des contrats de droit privé qu'il n'appartient pas au juge administratif de connaître ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; » Sa p r r porte donc cette affaire en cassation devant le Conseil d'État. Le Conseil d'État redresse la barre Très classiquement, le Conseil d'État rappelle que les sociétés autoroutières agissent au nom et pour le compte de l'État (23) et qu'à ce titre, elles effectuent des travaux publics (24), qu'elles passent des marchés publics qui ne sont pas, on le sait, soumis au Code des marchés (25) et qu'enfin la privatisation n'a pas changé la donne en matière juridique (26) : « Considérant que la construction des autoroutes et des routes nationales a le caractère de travaux publics et appartient par nature à l'État ; que, par suite, les marchés passés par le maître de l'ouvrage pour cette exécution sont soumis aux règles du droit public ; qu'il doit en être de même pour les marchés conclus aux mêmes fins par le concessionnaire, agissant en pareil cas pour le compte de l'État et comme maître de l'ouvrage, quel que soit le statut de ce concessionnaire ; que le contentieux survenu à propos d'un tel contrat ressortit dès lors à la compétence de la juridiction administrative. » Rappel de la notion d'accessoire La Haute Juridiction balaie ensuite toutes les incertitudes que l'on pouvait avoir à propos de la théorie de l'accessoire, du moins en ce qui concerne l'autoroute : « Ces logements, destinés aux seuls personnels affectés à l'entretien de l'autoroute afin de leur permettre d'intervenir dans les délais les plus brefs, notamment en urgence, et d'assurer la continuité du fonctionnement de l'ouvrage, construits aux abords immédiats de l'autoroute, présentent un lien direct avec le fonctionnement de l'ouvrage autoroutier ; qu'ainsi la cour administrative d'appel de Lyon a inexactement qualifié les faits en jugeant que ces contrats ne portaient pas sur la construction de l'ouvrage autoroutier ». On le voit, la notion d'accessoire et sa condition sine qua non, le lien géographique et fonctionnel, est donc réaffirmée (27). Il est qualifié de « direct » et l'on note que les conditions sont bien cumulatives. Comme le font très justement remarquer Aldo Sevino et Lorraine Klein : « Le Conseil d'État rappelle ici que la notion de travaux autoroutiers comprend non seulement la voie stricto sensu mais également les éléments intégrés nécessaires au fonctionnement de l'ouvrage » (28). Il s'agit en quelque sorte d'une extension de la jurisprudence Peyrot. Cela n'empêchera pas de sortir du domaine public, au cas par cas, ces logements s'ils deviennent un jour inutiles, dans le respect des règles habituelles de désaffectation (29) et de déclassement (30) ainsi que de la théorie jurisprudentielle du retour et de la reprise des biens en fin de concession et… du Code de l'expropriation !
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