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Accueil > Actualités > Politiques > L'indemnité compensatrice exigible pour occupation interdite du domaine public fluvial
POLITIQUES

L'indemnité compensatrice exigible pour occupation interdite du domaine public fluvial

PUBLIÉ LE 1er MAI 2015
LA RÉDACTION
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CE 13 février 2015 Voies navigables de France n° 366036 Voies navigables de France avait émis plusieurs titres exécutoires à l'encontre d'une propriétaire d'un bateau occupant, sans droit ni titre, un emplacement le long de la Seine sur lequel tout stationnement était interdit. La cour administrative d'appel de Versailles avait annulé ces titres exécutoires en considérant que des indemnités d'occupation ne sauraient être mises à la charge du propriétaire lorsque tout stationnement est interdit. Le Conseil d'État sanctionne pour erreur de droit et juge, à l'inverse, que le gestionnaire du domaine public fluvial pouvait assujettir l'occupante au paiement d'une indemnité pour stationnement irrégulier, et ce nonobstant, en l'espèce, son caractère prohibé. « L'occupation sans titre est aussi vieille que l'espace public lui-même »1 . Paradoxalement, en effet, l'existence d'un espace à la disposition du public laisse penser à certains qu'il a vocation d'être occupé de façon durable en s'émancipant totalement et librement des contraintes juridiques. Fréquemment, le domaine public se voit irrégulièrement privatisé si ce n'est dans sa totalité du moins sur des portions ciblées présentant un intérêt particulier. En l'espèce, Mme  A. est propriétaire d'un navire qu'elle a stationné, sans droit ni titre, depuis 2006, en rivière de Seine à Meudon (Hauts-de-Seine) sur le domaine public fluvial géré par Voies navigables de France (VNF). En conséquence, l'établissement public administratif a donc, à plusieurs reprises eu égard à des périodes précisément datées s'échelonnant de 2006 à 2009, émis des titres de recettes exécutoires à raison de ladite occupation irrégulière du domaine public. La propriétaire récidiviste du bateau de plaisance a tenté d'obtenir par plusieurs recours pour excès de pouvoir auprès du tribunal administratif de Versailles2 l'annulation des différents états exécutoires émis à son encontre, mais sans succès. La juridiction versaillaise s'est fondée sur les dispositions de l'article L. 28 du Code du domaine de l'État en vigueur jusqu'au 30 juin 2006 et sur celles de l'article L. 2125-8 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP). Le premier de ces articles prévoyait que nul ne peut occuper sans autorisation une dépendance du domaine public et que le service des domaines constate les infractions en vue de poursuivre, contre les occupants sans titre, le recouvrement des indemnités correspondant aux redevances dont le Trésor a été frustré. Le second de ces articles prévoit que le stationnement sans autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance qui aurait été due pour un stationnement régulier. Le tribunal administratif a retenu que bien que la propriétaire occupait un emplacement sur lequel tout stationnement était interdit et que « si aucune redevance ne pouvait être légalement perçue à raison d'un stationnement à cet endroit du domaine public, cette circonstance ne prive pas Voies navigables de France de la possibilité d'assujettir le requérant au paiement d'une indemnité pour stationnement irrégulier dès lors que les textes [visés] ne limitent pas la possibilité de percevoir une indemnité pour occupation irrégulière aux seuls cas dans lesquels le stationnement aurait irrégulièrement lieu sur un emplacement autorisé ». En appel, la cour administrative d'appel de Versailles3 s'est fondée sur les mêmes dispositions que le tribunal administratif, mais elle a, a contrario, jugé « qu'il résulte nécessairement tant de l'économie générale que des termes mêmes de [ces] dispositions (…) que des indemnités d'occupation ne sauraient être mises à la charge du propriétaire ou du gardien d'un navire qui occupe sans droit ni titre le domaine public fluvial lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, tout stationnement est interdit à l'emplacement en cause pour des raisons impérieuses de sécurité et que le stationnement à cet emplacement est donc insusceptible de donner lieu à autorisation ». Elle a donc considéré que VNF avait méconnu les dispositions législatives et a, en conséquence, donné gain de cause à la requérante en annulant, par plusieurs arrêts, les trente-deux titres de recettes exécutoires précédemment émis à son encontre par l'établissement public. En cassation, le Conseil d'État4 juge que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. En effet, la juridiction administrative suprême considère que la personne publique gestionnaire du domaine est en droit de réclamer à l'occupant sans droit ni titre une indemnité et que si ce principe s'applique traditionnellement pour les emplacements irrégulièrement occupés, il en va de même, par extension, s'agissant des emplacements où tout stationnement est interdit. Il ressort du présent arrêt que l'indemnité compensatrice pour occupation irrégulière du domaine public fluvial (I) est donc également exigible en cas de stationnement interdit sur ce même domaine (II). I. UNE INDEMNITÉ COMPENSATRICE POUR OCCUPATION IRRÉGULIÈRE DU DOMAINE PUBLIC FLUVIAL La juridiction administrative rappelle, tout d'abord, implicitement dans la motivation de son arrêt les dispositions de l'article L. 2125-1 du CGPPP selon lesquelles « toute occupation du domaine public donne lieu au paiement d'une redevance ». Le principe veut que l'usage collectif et donc normal du domaine public – eu égard à son affectation à l'usage direct du public – est gratuit. Il en va différemment de l'usage privatif, historiquement considéré comme anormal mais concourant désormais à la valorisation économique du domaine, qui est lui payant. Pour le Conseil d'État, « la légitimé du caractère onéreux de l'occupation privative du domaine public ne procède pas seulement du souci de bonne gestion patrimoniale. Elle vient aussi de ce que cette occupation porte atteinte au droit d'accès de tous les usagers du domaine. Est alors justifié le versement à la collectivité d'une redevance constituant la contrepartie des avantages individuels conférés au bénéficiaire de l'autorisation d'occupation au détriment de la jouissance commune »5 . C'est la raison pour laquelle a longtemps été retenu l'avantage spécifique que constitue le fait d'être autorisé à jouir d'une façon privative du domaine public6 , et que désormais la redevance domaniale tient compte des « avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation »7 . Il est normal que la redevance qui est demandée à l'occupant régulier, c'est-à-dire à celui disposant d'un titre – unilatéral ou contractuel – l'habilitant à profiter privativement du domaine public, soit aussi exigible de la part de l'occupant irrégulier parce qu'il est installé sans droit ni titre sur ce domaine. S'agissant de son calcul, « le montant exigé doit correspondre à ce qui aurait été appliqué en cas d'occupation régulière »8 , ce qui – convenons-en – « n'est guère dissuasif »9 . En effet, dans la mesure où l'occupant qui sollicite un titre, et respecte ainsi la norme, se voit soumis au même quantum que celui qui sciemment n'en a pas sollicité et est donc en situation irrégulière : cela n'encourage pas à être dans la légalité, et cela ne contraint que trop peu l'occupant qui, volontairement, se place dans l'illégalité. Pour ce qui a trait à la somme susceptible d'être réclamée, le domaine public fluvial présente une spécificité par rapport aux autres domaines publics en ce que le montant exigible est doublé. En effet, l'article L. 2125-8 du CGPPP est dérogatoire au principe selon lequel le montant exigé de l'occupant irrégulier est iden-tique à celui qui l'aurait été de la part d'un occupant autorisé. Ce texte dispose que l'indemnité due au titre d'une occupation irrégulière du domaine public fluvial est majorée de 100 % par rapport au montant de la redevance de l'occupant régulier. Cette majoration est sans aucun doute justifiée par le fait que les occupations irrégulières sur le domaine public fluvial sont si ce n'est les plus nombreuses du moins les plus fréquentes. Néanmoins, même doublée, l'indemnité pouvant potentiellement être réclamée de l'occupant irrégulier – qui reste donc condi-tionnée par la diligence du gestionnaire – demeure peu élevée pour un comportement fautif par rapport à la redevance exigée de l'occupant régulier, qui elle s'applique irrémissiblement. En ce qui concerne la nature, et donc le régime, de la somme exigée de la part de l'occupant irrégulier et dont il doit s'acquitter si le gestionnaire du domaine décide de l'y contraindre, tant la jurisprudence que la doctrine qui tente d'en faire la synthèse apparaissent divisées. La question est ici celle de savoir s'il s'agit d'une indemnité réparant le préjudice subi par le maître du domaine ou d'une redevance domaniale versée après coup correspondant au « prix » de l'occupation10 . La jurisprudence retient parfois la première hypothèse en considérant que l'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant qui l'oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière11 . Mais les juridictions administratives se réfèrent d'autres fois à la seconde alternative, c'est-à-dire celle faisant référence à la redevance domaniale lorsqu'il est question de la compensation des revenus que le gestionnaire aurait pu percevoir d'un occupant régulier12 . La doctrine13 , quant à elle, assimile parfois indemnité et redevance14 ou, au contraire, considère qu'elles ne se confondent pas15 – même si « leurs modalités de calcul sont étroitement liées »16 – et qu'il s'agit bien en réalité d'une indemnité eu égard au comportement fautif de l'occupant sans titre. Dans l'espèce considérée, le Conseil d'État évoque lui expressément une « indemnité » de nature à compenser les revenus que le gestionnaire du domaine « aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période » de sorte à combler le manque à gagner pour la durée considérée. Quel que soit le fondement théorique sur lequel est susceptible d'être exigée l'indemnisation, l'important reste l'application pratique, c'est-à-dire que le gestionnaire du domaine public cherche véritablement à actionner la mise en œuvre de cette faculté pour recouvrer les indemnités qui correspondent aux redevances dont le Trésor a été indûment frustré. À rebours de l'immobilisme et de la passivité dont l'on accuse parfois les personnes publiques, s'agissant notamment de la gestion et de la protection de leurs domaines respectifs, Voies navigables de France, gestionnaire du domaine public fluvial, a fait preuve en l'espèce de réactivité. L'établissement public a émis de façon régulière et répétée des titres de recettes exécutoires aux fins : d'une part, d'assurer le recouvrement des indemnités compensant les redevances non perçues et sans doute, d'autre part, par le cumul de ces différents titres, de tenter – vainement – de dissuader la requérante récalcitrante de se maintenir irrégulièrement dans les lieux. II. UNE INDEMNITÉ EXIGIBLE Y COMPRIS EN CAS DE STATIONNEMENT INTERDIT SUR CE MÊME DOMAINE La question que pose cette espèce – et qui fait tout son intérêt – est celle de savoir si l'indemnité exigible de l'occupant irrégulier est également opérante en cas de stationnement interdit. À ce sujet, les textes applicables, sans l'exclure, ne le prévoient pas expressément. Néanmoins, il est possible d'estimer, de prime abord, que l'indemnité exigible pour occupation sans titre du domaine public le soit également en cas d'occupation interdite sur ce même domaine public. Dans ce cas, effectivement, à l'irrégularité de l'occupation vient s'ajouter l'interdiction de cette occupation, constituant de la sorte une double illégalité. Telle ne fut pas la conception de la juridiction d'appel. La cour administrative d'appel a fait, des dispositions du Code du domaine de l'État et de celles du Code général de la propriété des personnes publiques, une interprétation littérale. La logique du raisonnement suivi a été de considérer que, compte tenu de l'interdiction de stationnement sur l'emplacement dont s'agit, celui-ci ne pouvait donner lieu à autorisation et, par voie de conséquence, aucune indemnité ne pouvait donc être exigée de la part de l'occupant. Au Conseil d'État, le rapporteur public considérait, quant à lui, que la « rédaction des textes applicables ne permet pas de discerner l'existence d'une condition tenant au caractère autorisé ou non du stationnement ». De plus, il ajoutait que suivre « la solution adoptée par la cour ne manquerait pas d'inciter les occupants irréguliers du domaine public à s'installer en priorité sur des emplacements interdits, ce qui aboutirait à un résultat pour le moins paradoxal ». C'est la raison pour laquelle, plutôt que de s'en tenir à la lettre du CGPPP qui ne prévoit pas expressis verbis une indemnité en cas de stationnement interdit, le Conseil d'État a préféré se référer à l'esprit qui l'anime et retenir une interprétation extensive des dispositions applicables. Le CGPPP est - on le sait - tourné et axé vers une logique de valorisation du domaine public et des occupations privatives dont il est le siège. Il est, en effet, entièrement irrigué par une recherche de maximalisation des profits que peuvent générer les utilisations des propriétés publiques. En conséquence, en se référant implicitement à l'esprit du Code et en adoptant une conception téléologique des effets que sont susceptibles de produire son arrêt sur les potentiels occupants, la juridiction administrative suprême juge que l'indemnité que le gestionnaire est fondée à réclamer à un occupant irrégulier s'applique « que l'emplacement irrégulièrement occupé soit interdit ou non ». Le stationnement sur le domaine public pose la problématique de sa conformité et de sa compatibilité avec les grands principes qui gouvernent les utilisations collectives de la domanialité publique que sont : la liberté, l'égalité et la gratuité. La circulation routière, maritime, aérienne et, ici fluviale, impliquent de pouvoir stationner. À ce titre, « pour tous les domaines affectés à l'usage direct des administrés, le stationnement constitue un accessoire indispensable à la liberté d'aller et venir »17 et « les règles relatives au domaine routier valent mutatis mutandis pour le stationnement sur le domaine public fluvial »18 . Cependant, le stationnement a longtemps été considéré comme un usage anormal et illicite. L'idée était que lorsque le stationnement cesse d'être un simple « arrêt momentané » il devient un usage abusif du domaine public. Peu à peu, stationner est apparu comme le corollaire du droit de circuler. Le Conseil d'État19 et la Cour de cassation20 ont ainsi reconnu que le stationnement des véhicules est libre. Cependant, cette liberté connaît au moins trois limites. D'abord, le stationnement doit demeurer ce qu'il est, c'est-à-dire un arrêt limité à la fois ratione temporis, en considérant qu'il s'agit d'un usage sinon bref du moins s'exerçant sur une durée relativement courte, et ratione materiae, impliquant qu'il reste une utilisation superficielle du domaine public sur lequel il s'effectue et donc, à l'instar du permis de stationnement, sans emprise au sol. Ensuite, si le principe veut que le stationnement soit libre, il en va différemment lorsque celui-ci équivaut à une occupation privative du domaine public, comme en l'espèce, et qui nécessite donc une autorisation expresse devant être sollicitée. Enfin, les autorités de police pour des motifs tenant à l'ordre public peuvent réglementer l'exercice du stationnement. Tel était le cas dans la présente affaire, où l'emplacement dont s'agit a fait l'objet, pour des raisons impérieuses tenant à la sécurité de la circulation, d'une interdiction de stationnement. Pour ce qui a trait à l'égalité, tous les utilisateurs du domaine public doivent être traités de la même manière dès lors qu'ils sont placés dans la même situation21 . Il existe donc une égalité de tarification du stationnement, lorsque celui-ci est payant, pour tous les automobilistes. Est donc illégale une « “taxe spéciale” frappant exclusivement les possesseurs d'automobiles dont les véhicules seraient autorisés à stationner sur certains emplacements qui seraient déterminés par l'autorité municipale »22 . Cependant, bien que placés dans une situation d'égalité, les gestionnaires du domaine public, ici fluvial, doivent tenir compte des réalités factuelles aux fins de pouvoir satisfaire, autant que faire se peut, uniformément les différents usagers. Une tâche d'autant plus ardue in situ que, comme le relevait le rapporteur public, le contexte actuel, en ce qui concerne le stationnement sur le domaine public fluvial, est celui d'une « grande rareté des places disponibles sur la Seine en banlieue parisienne ». Une situation qui s'explique évidemment notamment par le coût de l'immobilier  intra-muros et extra-muros dans la capitale et sa banlieue et où donc la demande de stationnement concernant des péniches et des bateaux de plaisance est largement supérieure à l'offre. S'agissant de la gratuité, pas plus que la circulation, le stationnement n'obéit véritablement de nos jours à ce principe. Le fait qu'il soit payant concorde avec l'idée ancienne – précédemment évoquée – selon laquelle le stationnement constituait un usage anormal du domaine public. Le fait que l'usage collectif soit payant justifie qu'il le soit également en cas d'occupation privative et à plus forte raison encore en cas de stationnement purement et simplement interdit. C'est la raison pour laquelle, reprenant en substance la motivation du jugement du tribunal administratif, le Conseil d'État retient, en l'espèce, que l'indemnité compensatrice exigible en cas d'occupation irrégulière sur le domaine public fluvial est également applicable en cas de stationnement interdit sur ce même domaine. Au final, un arrêt conforme avec le nouvel État du droit administratif23 et ses changements de paradigmes – telles la transparence, l'efficacité et la performance – dont on dénonce parfois les vices, mais dont il faut savoir aussi apprécier à leur juste valeur les vertus, notamment celle de voir les personnes publiques exiger les sommes dont elles ont été indûment privées.
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