De l'hébergement au covoiturage, en passant par la location de voitures entre particuliers, le numérique crée de nouvelles opportunités d'échanges et de services. « Une tendance de fond », selon les sénateurs. « En Europe, elle a représenté 28 milliards d'euros de transactions en 2016, un montant qui a doublé en un an. En 2025, elle pourrait atteindre 572 milliards d'euros », chiffrent-ils dans un rapport dévoilé le 29 mars. Problème : la fiscalité française n'est pas adaptée. « Cette nouvelles économie a longtemps donné l'impression de se développer hors du droit, notamment en matière fiscale et sociale. »Un nouveau seuilPour y remédier, les sénateurs ont rédigé une proposition de loi. « Le but n'est pas de créer une fiscalité nouvelle, ni de taxer les entreprises du numérique », signale Albéric de Montgolfier, sénateur d'Eure-et-Loire et rapporteur général de la commission. Mais plutôt de poser un cadre légal simple qui lève les ambiguïtés, en termes de fiscalité et de protection sociale, sans freiner le développement de l'économie collaborative.Les sénateurs proposent de créer un seuil à hauteur de 3000 euros par an. Il permettrait de différencier les professionnels des utilisateurs occasionnels des plateformes. « Leboncoin, Ouicar, Drivy, Uber, Zilok… Sur l'ensemble des plateformes que vous utilisez, si vos revenus n'excèdent pas sur l'année 3000 euros, vous n'aurez pas à payer d'impôt, ni de cotisations sociales. Vous ne serez pas non plus obligé de vous déclarer au régime des indépendants », résume Albéric de Montgolfier. Les sénateurs souhaitent par ailleurs maintenir l'exonération totale existant pour la vente de biens d'occasion et pour le partage de frais, comme pour le covoiturage du type Blablacar. « Pour le reste, l'idée est d'appliquer ce seuil : au-delà de 3000 euros par an de revenus, vous êtes imposable. »Des compléments de revenusEn matière de protection sociale, la situation est un peu plus compliquée. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a déjà introduit deux seuils : 7846 euros par an pour les locations de biens meubles, comme les voitures ou les perceuses, et 23000 euros par an pour les locations de logements meublés de courte durée. « Toutefois, cette disposition ne résout rien pour une grande partie de l'économie collaborative : les ventes de biens et les services entre particuliers », jugent les sénateurs. Ils proposent donc là-aussi de se référer au seuil de 3000 euros.En deçà, les gains sur les plateformes sont considérés comme des compléments de revenus. Pas besoin de s'affilier à un régime spécifique de sécurité sociale. Entre 3000 et les seuils existants (7846 ou 23000 euros selon l'activité), ce sera un régime intermédiaire. Les situations seront jugées au cas par cas. Au-delà de ces seuils, l'activité serait considérée comme professionnelle et l'affiliation au régime des indépentants deviendrait obligatoire.L'ensemble des groupes politiquesPour simplifier les démarches et « sécuriser la collecte de l'impôt », les sénateurs proposent d'instaurer une déclaration automatique des revenus perçus sur les plateformes en ligne. Lors de son inscription sur une plateforme, l'utilisateur donnerait son accord à la transmission des revenus. Il fournirait son nom et un numéro d'identification commun à toutes les plateformes. Ce serait soit son numéro d'identification fiscale, soit un numéro propre à l'utilisation des plateformes collaboratives. Ensuite, chaque année, les plateformes transmettraient à l'administration fiscale le montant des revenus de leurs utilisateurs. Pour chaque contribuable, l'administration agrègerait l'ensemble des revenus ainsi transmis et déterminerait si le total dépasse ou non le seuil de 3000 euros.Cette proposition de loi a été co-signée par l'ensemble des groupes politiques. Elle devrait être inscrite à l'agenda du Sénat après la pause parlementaire due aux élections présidentielle et législatives.Thomas Blosseville