Alors que le troisième projet de loi de finances rectificative est présenté ce mercredi 10 juin en Conseil des ministres, le Réseau action climat établit une liste de recommandations pour un plan de relance verte.
« Des objectifs climatiques à très court terme et contraignants doivent être fixés par les pouvoir publics », martèle Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. Le groupement d’ONG environnementales, Réseau action climat (RAC), a présenté ce mercredi 10 juin, une liste d’une trentaine de recommandations à l’attention des pouvoirs publics. « Le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR3), présenté en conseil des ministres ce mercredi, doit être un moyen de transformer l’économie et d’amorcer un virage écologique », insiste le directeur général de Greenpeace France.
Relocaliser l’économie
Les ONG rappellent tout d’abord, que le plan de sauvetage économique ne doit pas amplifier la crise climatique, et estiment que les grandes entreprises qui reçoivent des aides directes ou prêts garantis par l’Etat donc le cadre de la crise du Covid, doivent être obligées à publier un reporting climat complet et à mettre en place « une stratégie 1,5°C ». Une stratégie qui devra être complétée par des objectifs à court terme contraignants et opposables juridiquement.
Il s’agira également pour « le monde d’après », selon les ONG, de transformer la production et la consommation, en relocalisant l’économie. Pour ceci, le RAC suggère de renforcer les soutiens aux projets d’énergies renouvelables, de réduire l’usage des engrais azotés et des pesticides de synthèse, de relocaliser la production de textile neuf ou encore d’orienter la commande publique vers des produits plus locaux et durables.
Le secteur ferroviaire : grand oublié de la relance post-Covid ?
Le RAC s’inquiète par ailleurs des plans de soutien déjà annoncés de 8 milliards d’euros pour le secteur automobile et de 15 milliards d’euros pour le secteur aéronautique. « A côté, on a un plan d’à peine 60 millions d’euros pour le vélo et toujours 0 euro pour le secteur ferroviaire », alerte Jean-François Julliard. Le RAC attire l’attention sur ce secteur oublié des pouvoirs publics, « qui doit faire l’objet d’un plan de soutien, utilisant toutes les capacités du train de jour et de nuit, au niveaux français et européen ».
Afin, de conditionner le soutien à l’automobile, le réseau recommande d’appliquer « de réelles éco-conditionnalités (...) via en particulier, une réforme du bonus/malus automobile avec la mise en place d’un critère sur le poids des véhicules neufs ». La directrice générale du WWF France, Véronique Andrieux, explique qu’il s’agit de « flécher les solutions de mobilité vers les véhicules électriques, plus légers et moins émetteurs, tout en développant des alternatives à la voiture individuelle et en freinant l’essor des SUV ». Pour le secteur aéronautique, les ONG suggèrent de supprimer l’ensemble des connexions aériennes qui se font en moins de 5h en train et d’abandonner les projets d’extension d’aéroports français. « Nous pensons en particulier au projet du Terminal 4 de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, qui augmenterait le trafic de 38% d’ici 15 ans », souligne Jean-François Julliard. Les associations recommandent également d’augmenter l’éco-contribution française sur les billets d’avion et de mettre en place une taxe européenne sur le kérosène.
1,6 milliard d’euros supplémentaires pour les collectivités
Ce PLFR3 va doter les communes de 1,6 milliard d’euros supplémentaires. « Une bonne nouvelle », pour Véronique Andrieux, qui estime cependant que le fléchage de ce financement n’est pas clair et que cette dotation devrait encore être réhaussée. « Il faut orienter ce financement via la dotation de soutien à l’investissement local vers des investissements au service de la transition écologique et sociale, en cohérence avec les PLCAET et SRADDET », recommande le RAC. Ces 1,6 milliard d’euros doivent, selon les ONG, être destinés au déploiement d’une agriculture durable, d’une mobilité durable et inclusive et à la rénovation massive des bâtiments publics.
« Sur la question de la rénovation énergétique, il faut, en complément de mesures réglementaires, se braquer sur le financement et les aides », estime Jean-Baptiste Lebrun, directeur du CLER – réseau pour la transition énergétique. « Il faut aider les ménages avec un chèque énergie exceptionnel allant jusqu’à 710 euros, orienter les aides existantes vers la rénovation globale et atteindre un reste à charge 0 pour les ménages les plus modestes », détaille-t-il. « Pour cela il faudrait au minimum tripler les investissements pour atteindre 7 milliards d’euros par an d’argent public consacré à la rénovation, or, ces investissements sont plutôt en chute », relève-t-il.
Une nécessité d’exemplarité au sein de l’Union européenne
Enfin, concernant les investissements et le secteur financier, le réseau d’ONG encourage à supprimer d’ici 2025 la totalité des aides « néfastes à l’environnement et au climat », d’accélérer le verdissement de la Place de Paris et d’imposer une régulation climat des activités financières, ou encore, au niveau européen, de réformer les outils de la Banque centrale européenne pour qu’elle cesse de soutenir les banques et entreprises exposées aux énergies fossiles.
En parallèle de ce PLFR3, « il y a des discussions européennes intéressantes et importantes, qui risquent d’être laborieuses », rappelle le président de la Fondation Nicolas Hulot, Alain Grandjean. « Il faut que la France soit exemplaire et qu’elle mette en cohérence sa politique de finances nationale avec le projet de Green Deal européen », conclut-il.