Après le vote par le Parlement du retour des insecticides néonicotinoïdes dans les champs de betteraves, 84 élus de gauche et écologistes ont déposé un recours au Conseil constitutionnel. L’objectif : remettre en cause l’étude d’impact du projet de loi et faire valoir le principe de non-régression.
Le Sénat a promulgué le 4 novembre le retour des néonicotinoïdes, pourtant interdits en France en 2016. 84 élus des groupes Gauche démocrate et républicaine, La France insoumise, Socialistes et apparentés et le collectif Écologie Démocratie Solidarité de l’Assemblée nationale ont saisi le Conseil constitutionnel ce 10 novembre. Ils demandent la censure du projet de loi signant le retour des insecticides néonicotinoïdes, censés lutter contre la jaunisse des betteraves. « Cela revient à autoriser ce poison sur 400.000 hectares pendant 3 ans », regrette Delphine Batho, députée EELV des Deux-Sèvres et ancienne ministre de l’Environnement. Pour Hubert Wulfranc, élu communiste de Seine-Maritime, « si tant est que le recours puisse aboutir, ce serait un signal fort pour mettre un coup d’arrêt aux coups de boutoir permanents à l’encontre de la progression du droit de l’environnement ».
Une étude d’impact « incomplète »
Le recours consiste d’abord à remettre en cause l’étude d’impact du projet de loi : « incomplète sur le plan des risques sur la santé et le plan économique, elle méprise les coûts publics sur pollution de l’eau, les impacts sur agriculteurs et les pollinisateurs et les cultures qui ont besoin des pollinisateurs », juge Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle, lors d’une conférence de presse sur ce recours. « Comment est-ce possible en 2020 qu’une étude d’impact qui consiste à réautoriser les insecticides les plus puissants et destructeurs ne fasse pas mention de perte de biodiversité ?, interroge Delphine Batho. 85% des insectes, un tiers des oiseaux, et dont la science dit qu’elle est liée à utilisation des néonicotinoïdes. »
Pour les parlementaires, cette loi va aussi à l’encontre du principe de non-régression, inscrit dans la loi Biodiversité de 2016 et déclaré conforme à la Constitution. Ce principe dispose que « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Loïc Prud’homme, député France Insoumise de Gironde, abonde : « Cette même loi du 8 août 2016 a interdit les néonicotinoïdes. C’est donc une régression. Les dispositions évoquées dans cette loi prolongent jusqu’en juillet 2023 la possibilité de bénéficier d’une dérogation. Ce principe ne pouvait bénéficier qu’à l’usage de substances autorisées en Europe. Or, le droit européen l’interdit. » En effet, un moratoire de l’Union européenne restreint l’usage de trois néonicotinoïdes jugés nocifs pour les abeilles. Le Conseil constitutionnel a un mois pour examiner le recours.