Après deux semaines de séances publiques, le Sénat a adopté en premier lecture, le projet de loi par 193 voix pour, 100 contre et 54 abstentions. Les Républicains et centristes ont voté en faveur de ce texte, tandis que les groupes socialiste, communiste et écologiste ont voté majoritairement contre. Il est désormais temps pour les sénateurs et les députés de parvenir à un accord commun en commission mixte paritaire prévue le 12 juillet. Faute de quoi, le texte partirait en relecture à l’Assemblée nationale à partir du 19 juillet, annonçant le début d’un bras de fer entre les deux Chambres du Parlement.
Et le ministère de la Transition écologique le fait savoir en exprimant son regret : « Le gouvernement se réjouit de la teneur générale des débats et de l’adoption du texte par les sénateurs, qui démontrent que la nécessité d’une transition écologique ne fait aujourd’hui plus débat, il regrette cependant que les sénateurs aient choisi de revenir sur d’importantes avancées votées lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale ».
📢 [1/13] Le projet de loi "portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets" est adopté par le Sénat, par 193 voix pour et 100 voix contre. #ClimatRésilience #PJLClimat pic.twitter.com/tpw5DekRRT
— Sénat (@Senat) June 29, 2021
Un texte largement revu
Le texte voté en procédure accélérée a été majoritairement modifié. Le premier axe débattu et retenu dans le titre I « Consommer », concerne la publicité. Le Sénat a notamment adopté les mesures qui visent à accélérer la réduction de la publicité sur les produits ayant « un impact excessif sur le climat ».
Parmi ces mesures : l’interdiction de « la publicité sur les remises ou réductions annulant l’effet du malus applicable aux voitures particulières les plus polluantes ». Ou encore la nécessité d’un code de bonne conduite spécifique à l’audiovisuel public « qui devra organiser d’ici le 1er janvier 2023 au plus tard, sous l’autorité du CSA, la suppression des communications commerciales relatives à des biens et services ayant un impact négatif sur l’environnement dès lors que des produits ou services ayant un effet moindre sur l’environnement sont disponibles ».
Toutefois, les sénateurs ont supprimé l’article 7 relatif à « la possibilité pour le règlement local de publicité d’encadrer les publicités et enseignes à l’intérieur des vitrines ». Cette modification « opérant une décentralisation raisonnée du pouvoir de police de la publicité », fait savoir le Sénat.
Quant au volet propre à l’économie sociale et solidaire, les sénateurs ont retiré la notion de proportion minimale d’emballages en verre réemployés. Ce qui a « légèrement baissé l’ambition du texte », a regretté Zéro Waste France. Mais celle-ci a salué, l’introduction « du dispositif avec une expérimentation pour développer le vrac dans de plus petits commerces ».
Énergies renouvelables : droit de veto aux maires
Les modifications apportées par la Haute assemblée dans le titre II « produire et travailler », concernent l’interdiction de l’arrêt de réacteurs nucléaires sans capacités équivalentes d’énergies renouvelables ou bas-carbone. Ainsi que la conception de dispositifs de soutien à l’hydroélectricité, à l’hydrogène, au biogaz et au photovoltaïque.
Mention spéciale pour l’amendement relatif aux installations des éoliennes qui attribuerait un droit de veto aux maires leur permettant de s’opposer aux nouveaux parcs éoliens. Les collectivités pourraient organiser un référendum local pour consulter les habitants en amont sur un projet d’implantation de projet éolien.
Mobilité : le train à l’honneur
Le chapitre « Se déplacer » a été adopté au sein de l’Hémicycle en votant une réduction du taux de TVA sur les billets de train de 10 % à 5,5 %, pour « faire du train un bien de première nécessité ». Les sénateurs ont apporté un amendement qui inciterait l’État à se fixer pour objectif « d’accompagner le développement du transport ferroviaire de voyageurs de + 27 % en 2030 et de + 79 % en 2050 ».
Les modifications du Sénat visent aussi à créer un prêt à taux zéro à destination des ménages modestes et les professionnels pour acquérir des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers propres.
Par ailleurs, le vote sur la suppression de certaines lignes aériennes intérieures en cas d’alternatives en train de moins de 2h30, concernerait uniquement la ligne Orly-Bordeaux.
Alimentation et transition agro-environnementale
Quant au titre « Se nourrir », les amendements du Sénat visent à « accompagner nos agriculteurs dans la transition agro-environnementale et refuser toute mesure conduisant à dégrader la compétitivité de notre agriculture et l’empreinte carbone de notre alimentation ». Au cœur des débats, la redevance sur l’emploi d’engrais azotés minéraux en agriculture. Les sénateurs ont estimé ce dispositif « punitif » et ont proposé le déploiement du plan national « Eco-Azot » pour accompagner les agriculteurs dans la transition agro-environnementale
Les modifications posent également le principe d’interdiction des engrais de synthèse à usage non-agricole. Elle serait adoptée avec une évaluation préalable et un délai d’adaptation. Les équipements sportifs dont les hippodromes et terrains d’entraînement de chevaux de courses, seront exonérés de cette interdiction dans un premier temps.
Enfin, les Sénateurs ont renforcé le devoir de vigilance des « plus grandes entreprises à l’égard de la déforestation importée pour maîtriser nos émissions de gaz à effet de serre importées et valoriser des productions françaises respectueuses de l’environnement ».
Rénovation énergétique et artificialisation des sols
Le Sénat se félicite d’avoir « rehaussé l’ambition de rénovation énergétique des bâtiments ». Alors que le gouvernement visait une étiquette A,B ou C à l’horizon 2050 ? Les sénateurs ont retenu les classes A et B comme relevant d’une « rénovation performante », et la classe C définie comme « moyennement performante ».
La Chambre haute a également proposé d’avancer l’entrée en vigueur de l’interdiction portant sur l’augmentation du loyer des passoires thermiques. Elle est passée à 2025 pour la classe G et à 2028 pour la classe F. En revanche l’interdiction pour les logements classés E serait repoussée à 2040 au lieu 2034, date prévue en premier lieu dans le projet de loi.
Quant à l’artificialisation des sols, les amendements proposés ont abouti à la suppression des études de réversibilité préalables aux constructions nouvelles. Mais l’examen du texte s’est notamment achevé avec l’intégration des entrepôts de e-commerce de plus de 5000 mètres2 dans le moratoire sur les zones commerciales artificialisant des sols au-delà de 10.000m2. Désormais, ces espaces de stockage ne peuvent pas être construits sur des espaces naturels, à l’exception d’une autorisation d’exploitation commerciale, délivrée par la Commission départementale d’aménagement commercial.
« Le Sénat a donc décidé de rétablir l’équité en soumettant à l’autorisation commerciale et à l’interdiction d’artificialiser des sols au-delà de 10 000m2 les entrepôts de e-commerce qui ne s’implanteraient pas sur des friches. Néanmoins, il est à craindre que l’Assemblée nationale ne revienne sur cette avancée en Commission mixte paritaire en juillet », souligne l’organisation les Amis de la Terre, dans un communiqué.