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POLLUTIONS

Effets sur la santé : le temps des doutes

PUBLIÉ LE 1er MAI 2008
LA RÉDACTION
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Fin 2007, l'annonce par le professeur Belpomme d'un scandale sanitaire aux Antilles provoqué par le chlordécone, un insecticide organochloré utilisé jusqu'en 1993 dans les îles, a relancé la polémique sur les risques des pesticides sur la santé. En France, l'homologation des produits phytosanitaires passe par une évaluation réglementaire dite a priori des risques réalisée par l'Afssa, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Celle-ci analyse leur toxicité aiguë et recherche d'éventuels effets à long terme par des tests de toxicité chronique effectués sur des animaux. En raison des modèles utilisés, cette évaluation ne peut donc se départir d'une part d'incertitude sur les risques à long terme. D'où l'importance d'un suivi scientifique a posteriori. En santé humaine, ce suivi s'appuie sur l'épidémiologie, qui cherche à établir, via l'observation de la population, une corrélation statistiquement significative entre l'exposition aux pesticides et la survenue d'une pathologie. Mais l'épidémiologie n'établit pas de lien de causalité entre le risque et la maladie : trop de facteurs et trop d'interactions possibles. C'est donc la convergence des résultats des études actuellement menées, confrontées à des études toxicologiques expérimentales, qui permettront d'aboutir à des conclusions cohérentes et à quelques certitudes. Agriculteurs : une cible de choix À l'heure actuelle, trois pistes font déjà consensus chez les scientifiques : l'apparition de certains cancers (prostate, cerveau, hémopathies, lymphomes, peau, estomac), des troubles de la fertilité et de la reproduction, et des maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson). En contact toute leur vie professionnelle avec les pesticides, les agriculteurs constituaient un point d'entrée logique pour étudier les effets à long terme d'expositions chroniques. Aux États-Unis, l'Agricultural Health Study, débutée en 1993 sur les cancers en milieu agricole, est la première étude qui ait montré un excès de cancers de la prostate sur une cohorte de 90 000 individus. Pour lui faire écho, Agrican, pour « agriculture et cancers », a été lancée en France en 2005 sur 190 000 personnes, par Pierre Lebailly, du Groupe régional d'études sur le cancer (Grecan), soutenu par la Mutualité sociale agricole (MSA). Au lieu de se focaliser sur les chefs d'exploitation (bien souvent moins exposés), la cohorte inclut 50 % d'agriculteurs retraités, des ouvriers agricoles ayant exercé au moins trois ans et des agricultrices. Une affaire de pratiques Agrican, dont les premiers résultats devraient sortir à la fin de l'année, a une autre originalité : les outils d'évaluation de l'exposition mis à son service. « Vis-à-vis du risque de cancer en agriculture, l'épidémiologie s'est souvent appuyée sur des évaluations assez grossières, voire inexactes, des expositions, souligne Pierre Lebailly. De nombreux questionnaires appliquent par exemple une relation dose-effet avec la surface traitée. Il s'avère que ce n'est pas la superficie, mais les pratiques agricoles qui influent sur le niveau de contamination. D'où l'importance de valider les questionnaires par des études de terrain. Pourtant, en France, il n'y avait jusqu'à peu aucune donnée métrologique sur les niveaux d'exposition des agriculteurs en fonction des cultures. » À l'Institut de santé publique d'épidémiologie et de développement (Isped) de Bordeaux, Isabelle Baldi a donc élaboré des outils permettant de documenter le niveau d'exposition en conditions réelles. À partir de 2001, une étude baptisée Pestexpo a été menée pendant deux cents jours en Gironde (vignes) et dans le Calvados (grandes cultures), par le biais de plus de 5 000 mesures sur des agriculteurs (à l'aide de patchs sur la peau et de filtres avant inhalation, de test d'urines et d'analyse des eaux de lavage des mains). Le tout, accompagné d'un relevé précis des pratiques agricoles. « Appliqué à Agrican, cet outil va permettre d'estimer l'exposition d'un agriculteur sur une journée de traitement, puis de manière cumulée sur l'ensemble de sa vie professionnelle en attribuant un poids à chacune de ses réponses. Par exemple, pour un tracteur sans cabine, x % d'exposition en plus », explique Isabelle Baldi. En 2006, l'Isped a également élaboré une matrice emploi-exposition contenant l'historique de tous les pesticides utilisés en France depuis les années 1950. « Cet outil associe un pesticide au type de cultures traitées et à la période d'utilisation. C'est une nouvelle approche des expositions pour le milieu agricole qui se dégage des dires et des souvenirs des personnes », observe Pierre Lebailly. Le chercheur espère obtenir les financements nécessaires pour faire vivre son étude sur dix à quinze ans et enrichir le consortium international de cohorte agricole créé en septembre 2006. En prolongement, l'an dernier, le Cemagref a conduit une étude associant biométrologie et étude comportementale sur 250 arboriculteurs du sud de la France. Celle-ci a révélé que seulement 10 % des équipements de protection étaient bien utilisés. « Estimer l'exposition réelle des agriculteurs au fil de leurs travaux va nous permettre d'améliorer la prévention. Aujourd'hui, ils ont conscience de la nécessité de se protéger, mais il y a un réel besoin de connaissance autour des bonnes pratiques. Il faut expliquer pourquoi ne pas ranger son équipement dans le local phytosanitaire ! » souligne Sonia Grimbuhler, au Cemagref. De là, comment extrapoler à la population générale, soumise à de petites doses répétées ? Quelles sont les voies d'exposition, quels sont les produits incriminés ? Et la population générale ? À Villejuif, l'équipe de Jacqueline Clavel travaille sur l'épidémiologie environnementale des cancers. Depuis quinze ans, les études se succèdent et si l'on suspecte un lien entre l'apparition de cancers chez l'enfant et les pesticides, de nombreuses interrogations demeurent, notamment sur les périodes de contamination : grossesse, petite enfance ? À l'Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail), l'observatoire des résidus de pesticides cherche à identifier les principaux pesticides à usage domestique (biocides, lire l'article suivant) auxquels est exposée la population, et à établir une liste des produits à suivre en priorité en fonction des usages, du niveau de contamination de l'environnement et des risques sur la santé. L'Afssa lance également avec l'Afsset une étude sur l'alimentation totale sur trois ans, qui inclut le dosage des pesticides dans les aliments cuits pour mieux évaluer l'exposition réelle des consommateurs aux résidus de pesticides ingérés et compléter les données sur les denrées brutes. Mieux cerner l'exposition réelle En parallèle, l'Institut de veille sanitaire (InVS) réalise dans le cadre de l'étude nationale Nutrition-Santé 400 prélèvements biologiques chez 3 000 adultes pour détecter une vingtaine de pesticides. Pour améliorer la surveillance nationale, l'InVS réfléchit en outre à enrichir les registres de cancers d'une information sur la localisation et à créer à moyen terme un système de surveillance multisource (hôpitaux, assurance-maladie, laboratoires d'analyse) qui pourrait permettre, par croisement avec les bases de données environnementales, d'affiner les données sur l'exposition des malades. Retour aux Antilles. Luc Multigner, spécialiste des effets chroniques des pesticides sur la fertilité et la reproduction à l'Inserm, étudie depuis 2000 le risque du chlordécone sur les salariés des bananeraies en Guadeloupe. « Le chlordécone est un cas d'espèce : son profil toxicologique est particulier et c'est un polluant persistant. Mettre en évidence un effet aussi spécifique est plus simple que de travailler sur une myriade de substances », souligne-t-il. Les résultats, publiés en 2006, montrent bien la présence de l'insecticide dans le sperme des ouvriers, mais à des concentrations ne portant pas atteinte à leur fertilité. Aujourd'hui, les investigations continuent sur l'apparition de cancers de la prostate entre 2004 et 2007, un cancer plus fréquent aux Antilles qu'en métropole, ainsi que sur les anomalies du développement au travers le suivi de 1 000 femmes enceintes et 200 bébés. Auditionné sur l'affaire chlordécone par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Luc Multigner est plutôt sceptique. « De toute façon, la démarche scientifique ne peut qu'orienter et en aucun cas trancher pour ce qui relève de la gestion du risque et de l'application du principe de précaution », plaide-t-il.
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