Pour chaque tonne de biogazole fabriquée, 100 kg de glycérol (ou glycérine) sont générés. Résultat, les objectifs européens sur les biocarburants devraient se traduire par un doublement de la production mondiale de glycérine (1 Mt/an supplémentaires dans les prochaines années). Et ce, sans compter l'accélération de la filière aux États-Unis. Trouver de nouvelles voies de valorisation de ces coproduits constitue donc un enjeu majeur, car les débouchés actuels (essentiellement pharmaceutiques et cosmétiques) n'absorberont pas un tel volume.
Les exutoires potentiels sont multiples, notamment parce que, offre abondante oblige, le prix de la glycérine baisse. Ces derniers mois, plusieurs industriels ont présenté leurs projets : Dow lance un nouveau polymère propylène-glycol, Rohm and Haas l'Aquaset, un substitut au formaldéhyde, ou encore tout récemment Metabolic Explorer a annoncé qu'il produira du propanediol. Aujourd'hui, c'est au tour de la valorisation énergétique de se faire entendre.
De l'hydrogène à 90 %
À l'image de l'Institut français du pétrole (IFP), qui travaille sur des additifs pour biogazole depuis quelques années (plusieurs projets Agrice ont été menés dans ce sens), et de chercheurs espagnols de l'université Juan-Carlos, qui se sont lancés dans un projet de production d'éthers de glycérine. Ces composés, ajoutés au gazole dans des proportions encore à déterminer, réduiraient notamment sa viscosité et les émissions polluantes lors de sa combustion. Un autre projet, plus avancé, explore aussi la voie énergétique : celui de l'université de Leeds, en Grande-Bretagne. Les chercheurs de l'Institut de recherche sur l'énergie et les ressources se sont attaqués à la production d'hydrogène.
L'équipe du Dr Valérie Dupont a en effet développé un procédé thermochimique (un reformage catalytique à la vapeur), qui décompose le glycérol en un gaz riche en hydrogène. Dans un réacteur à lit fluidisé confiné, le glycérol entre en contact avec de la vapeur d'eau. La réaction catalytique (avec un catalyseur à base de nickel imprégné dans la phase solide du lit fluidisé), à température et pression contrôlées, produit un mélange d'hydrogène (H2), de dioxyde et de monoxyde de carbone (CO2 et CO), en évitant la formation de méthane (CH4). L'originalité de l'approche est d'y associer une adsorption. La matière est introduite avec des particules d'adsorbant (hydrotalcite synthétique), qui captent le CO2 en continu. Ainsi débarrassé du gaz carbonique, le milieu est plus favorable à la réaction du CO avec l'eau. Il forme alors du CO2 et de l'hydrogène, qui augmente en forte proportion. En outre, la conversion du CO a ceci d'intéressant qu'elle est exothermique. De quoi compenser le caractère légèrement endothermique de la réaction catalytique et rendre l'ensemble autotherme. L'adsorbant doit être régénéré, mais globalement, le bilan énergétique n'est pas affecté, car la réaction d'adsorption est elle aussi exothermique. Le gaz obtenu au final est pur à plus de 90 %. Il nécessite cependant une purification pour une utilisation en pile à combustible, mais d'autres applications industrielles sont possibles ainsi. Le CO2 récupéré est assez concentré pour d'éventuelles opérations de séquestration, mais, comme son origine n'est pas fossile, le bilan carbone peut être considéré comme neutre.
Le projet de l'université de Leeds a démarré fin 2007, avec un soutien financier de 270 000 livres (350 000 euros) en partenariat avec Johnson Matthey (catalyseurs) et D1-Oil, qui fournit le glycérol brut. Les travaux doivent se poursuivre encore un an afin de mieux cerner les conditions techniques et économiques de la production de l'hydrogène, et en particulier le besoin de prétraiter le glycérol s'il s'avérait constituer un risque d'empoisonnement des catalyseurs.