Certaines fonctionnalités de ce site reposent sur l’usage de cookies.
Les services de mesure d'audience sont nécessaires au fonctionnement du site en permettant sa bonne administration.
ACCEPTER TOUS LES COOKIES
LES COOKIES NÉCESSAIRES SEULEMENT
CONNEXION
Valider
Mot de passe oublié ?
Accueil > Actualités > Pollutions > Comment l'État se défausse
POLLUTIONS

Comment l'État se défausse

PUBLIÉ LE 1er MAI 2015
LA RÉDACTION
Archiver cet article
Toute l'information de cette rubrique est dans : Environnement Magazine
Le magazine pour les acteurs et décideurs du développement durable et des métiers de l’environnement.
Des arbres à la place de la pub ! Bienvenue à Grenoble qui a débarrassé son espace public des 326 panneaux publicitaires de l'afficheur JCDecaux. Pour le symbole, donc, une cinquantaine d'entre eux seront même remplacés par des arbres, tandis qu'un système d'affichage associatif et culturel sera installé. « Les premiers panneaux Decaux sont arrivés à Grenoble en mai 1976. Or, leurs formats et leurs implantations, plutôt prévus pour être visibles par les automobilistes, ne correspondent plus à l'usage urbain actuel, où le piéton et le cycliste ont toute leur place », jugeait en janvier dans nos colonnes Lucille Lheureux, adjointe aux espaces publics. Alors, « début de toute dictature », comme l'affirmait, un brin provocateur, le publicitaire Jacques Séguéla sur le site d'information local Placegrenet. fr, ou nouveau modèle de société ? En tout cas, un joli coup de pub qui a donné un coup de pied dans la fourmilière et rappelé aux élus locaux que « l'invasion publicitaire » n'est pas une fatalité… En théorie tout du moins. Car si la loi encadrant l'implantation de l'affichage publicitaire ainsi que des enseignes et préenseignes commerciales a récemment été modifiée (Grenelle 2), elle n'est pas plus appliquée que la précédente. Ce qui laisse souvent les édiles face à une pollution visuelle difficile à résorber. Rappelons-le : la pub est partout interdite hors agglomération. Et, dans les espaces « protégés » comme les parcs naturels régionaux (PNR), qui couvrent 10 % du territoire hexagonal, elle l'est même totalement… « Comme souvent, en France, on a fait une nouvelle loi au lieu de se donner les moyens de faire appliquer celle qui existe », dénonce Jean-Philippe Strebler, juriste, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet et actuel directeur de la Fédération nationale des Scot (schéma de cohérence territoriale). D'un rond-point de banlieue jusqu'au fin fond d'un PNR, en passant par une nationale d'entrée de ville surchargée, bienvenue dans un pays où l'affichage publicitaire a, plus que chez ses voisins, envahi villes et campagnes. Où l'on ne compte plus les panneaux scellés au sol qui fleurissent en totale illégalité, des enseignes géantes que la très active association Paysages de France fait enlever après avoir obtenu la condamnation devant la justice administrative des préfets indolents, ou les préenseignes dites dérogatoires qui pullulent au bord des routes. Celles-là vivent théoriquement leurs dernières heures. Le 13 juillet 2015 s'achèvera en effet le délai de mise en conformité pour les publicités et les préenseignes posées avant le 1er juillet 2012. Pour les enseignes, il faudra en revanche attendre le 1er juillet 2018, à la suite d'un amendement très contesté adopté dans le cadre de la loi Warsmann de 2011 et proposé par le député du Haut-Rhin Éric Straumann. Celui-ci voulait qu'ainsi perdure une situation locale illégale, à savoir une immense enseigne Cora installée dans l'agglomération de Colmar. Retirée depuis… Même le Parlement le reconnaît : les lois sur l'affichage sont peu respectées. En juin 2009, le rapport du sénateur Ambroise Dupont pointait un manque d'agents de l'État pour « dresser des procès-verbaux, engager des procédures de mise en demeure et de recouvrement de l'astreinte ». Rien de bien étonnant avec une « moyenne de moins d'un demi-agent en équivalent temps plein affecté à la publicité par département »… C'est ce texte qui a servi de base à la rédaction du volet sur l'affichage de la loi Grenelle 2. Une loi schizophrène qui, d'un côté, durcit un peu les règles applicables à la publicité « standard » (panneaux de 4 m² maximum dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants, règles de densité…) et, de l'autre, autorise de nouveaux dispositifs comme les panneaux numériques ou le microaf-fichage, l'installation de publicités géantes dans l'emprise des aéroports ou de panneaux scellés au sol jusque dans un hameau… à condition qu'il appartienne à une unité urbaine de plus de 100 000 habitants… Du côté associatif, c'est comme une trahison qu'a été vécue l'élaboration de cette loi, sans parler de celle de ses décrets d'application. « Nous nous sommes beaucoup impliqués lors du Grenelle de l'affichage, jusqu'à aboutir en février 2011, après le vote de la loi, à un projet de décret loin d'être parfait à nos yeux mais comportant de nombreux points positifs. Celui-ci a malheureusement été affaibli par touches successives. Le décret fina lement publié le 30 janvier 2012 a donné lieu à de très importants reculs. Les publicitaires bénéficient de groupes de pression puissants. Les afficheurs ont défilé au ministère de l'Écologie, à Bercy et à Matignon. Decaux est même intervenu directement auprès du fonctionnaire chargé de la rédaction du texte », accuse Pierre-Jean Delahousse, président de Paysages de France. Les « antipub » ne se lassent d'ailleurs pas de reproduire une citation du Canard enchaîné du 1er  juin 2011, attribuée à une source du ministère de l'Écologie : « Les gens du groupe JCDecaux ont littéralement tenu notre stylo pour écrire le décret. Dès qu'un truc ne leur plaisait pas, ils nous le faisaient récrire. » Chez les afficheurs, la réplique est convenue. « Comme pour chaque réglementation, les pouvoirs publics interrogent l'ensemble des parties prenantes. Ils écoutent tout le monde avant de décider », répond Albert Asseraf, DG stratégie, études et marketing de JCDecaux France. Pour l'Union de la publicité extérieure, UPE, cet article du Palmipède est très éloigné de la réalité. « Je ne fais pas de lobbying, jure Stéphane Dottelonde, président de ce syndicat regroupant les poids lourds de l'affichage. Je ne réponds qu'aux demandes qu'on me formule. Il se trouve que nous disposons d'une bonne expertise, nous savons écrire un texte juridique… » Une compétence bien utile qui, selon plusieurs sources, aurait fait défaut au ministère lors de la rédaction du décret… « Les nouvelles règles ne protègent pas plus les paysages que les précédentes et ne sont pas plus claires qu'auparavant. Il aurait fallu être à l'écoute du terrain plutôt que de l'UPE. Le fonctionnaire qui a rédigé le décret ne connaissait pas ce domaine réglementaire très particulier qui est celui de la publicité. Il s'est fait manipuler », affirme un agent aguerri des services déconcentrés de l'État. « Il venait de l'Éducation nationale et ne connaissait rien en droit administratif. Il a été poussé vers la sortie en mai 2014 », soutient également Jean-Philippe Strebler. Pour le juriste, la stratégie des afficheurs est simple : rendre le texte le plus compliqué possible à défaut de pouvoir s'y opposer frontalement. Un flou qui se ressent sur le terrain et jusque dans la jurisprudence. « On attendait une clarification. C'est pire qu'avant ! La notion d'agglomération, par exemple, se rapporte au Code de la route qui la définit dans son article R110-2 comme un “espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés et dont l'entrée et la sortie sont signalées par des panneaux.” Or la jurisprudence nous dit que les panneaux ne sont que des présomptions et que c'est la présence de bâtis rapprochés qui importe », regrette un spécialiste. Résultat : les afficheurs s'engouffrent dans la brèche et en profitent pour installer leur matériel dans la zone tampon souvent laissée entre le panneau d'entrée d'agglomération et les premiers immeubles… Même le Conseil d'État a avoué son incapacité à « évaluer avec un minimum d'objectivité » les effets du décret du 30 janvier 2012 sur le terrain du fait de sa « profonde méconnaissance du secteur »… Cette complexité a donc de quoi effrayer plus d'un maire. Ils sont pourtant les seuls à pouvoir prendre réellement la main sur le territoire de leur commune en rédigeant un réglement local de publicité (RLP), forcément plus restrictif que la loi. En théorie, toujours… Pour éviter les contentieux, l'élaboration de ces documents est désormais calquée sur celle des plans locaux d'urbanisme (PLU). « Celle-ci demande une enquête publique et dure environ deux ans. Cette procédure arrive sur le terrain alors que nous venons juste de comprendre comment consolider la précédente et éviter ainsi les contentieux », déplore un agent de l'État. « En élaborant un RLP, les collectivités locales peuvent garder les coudées relativement franches. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, cela peut conduire à aggraver la situation. Dans un PNR par exemple, où toute publicité est interdite, un RLP permet de l'y introduire (une disposition que resserre la loi Biodiversité en première lecture, ndlr). Dans le Gâtinais français, la municipalité de Saint-Fargeau-Ponthierry (77) a ainsi autorisé l'implantation de panneaux sur pied de 8 m² scellés au sol… », illustre Pierre-Jean Delahousse. Tout dépend en fait de la volonté du maire. Face au majestueux massif de Belledonne, dans l'Isère (38), la petite ville (5 000 habitants) de Montbonnot-Saint-Martin devrait ainsi adopter en septembre son nouveau RLP, après enquête publique. « Il devrait interdire tout panneau scellé au sol et limiter ceux sur murs aveugles. Les enseignes ne seraient autorisées que dans trois zones, mais avec des limites de taille et de forme. En général, nous arrivons à trouver un terrain d'entente avec les commerçants pour que les enseignes soient visibles tout en dérangeant le moins possible », détaille Dominique Bonnet, maire adjoint chargé de l'aménagement du territoire. Citons également l'exemple plus ancien de Forcalquier, 4 300 âmes, qui, dès 2009, et donc bien avant Grenoble, laissait mourir de sa belle mort le contrat le liant avec son afficheur pour son domaine public. « Depuis notre adhésion au PNR du Luberon, nous profitons de sa charte signalétique. Le parc nous a également apporté ses compétences pour la révision de notre RLP », témoigne Alexandre Jean, adjoint au maire délégué aux finances et à la communication. Face à une réglementation nationale toujours aussi floue et plus permissive, les RLP sont devenus indispensables pour s'adapter aux situations locales. « Ne serait-ce que pour éviter la prolifération des panneaux numériques qui ne sont pas, comme les panneaux classiques, soumis à un régime de déclaration, mais d'autorisation. En l'absence d'un refus motivé dans les deux mois, celle-ci est tacitement accordée. Les afficheurs en profitent. Nous incitons donc les maires à élaborer ou réviser leur RLP de toute urgence… », reprend le président de Paysages de France. Mais encore faut-il que ces règlements locaux soient respectés ! Et que veille la police de l'affichage. Avant la loi Grenelle 2, ce pouvoir de police était indifféremment assumé par le maire ou le préfet. Il est aujourd'hui transféré uniquement à l'élu quand existe un RLP. « Cette décentralisation va permettre une meilleure application de la loi », estime Albert Asseraf, chez JCDecaux. Ce changement complique cependant considérablement le travail de « nettoyage » de Paysages de France. « Ce que les associations peuvent faire avec cent préfets, il est évidemment totalement exclu qu'elles le puissent avec 36 000 maires, sinon… en mille ans et avec des moyens 1 000 fois plus importants », ajoute Pierre-Jean Delahousse d'un ton grinçant. Il semble que cette mesure satisfasse à la fois l'État, maintes fois condamné à payer des indemnités à l'association, et les afficheurs, qui peuvent exercer une influence non négligeable sur les élus locaux : contrats liant publicité et mobilier urbain, taxe sur la publicité extérieure, crainte d'un procès… On en revient donc à la question cruciale des compétences et des moyens, que ce soit du côté des collectivités ou de celui de l'État. « Chaque Dreal devrait compter un référent sur la publicité pour coordonner les actions de l'État sur le plan départemental. Ce n'est le cas que dans trois régions ! », râle encore un fonctionnaire. Les choses s'arrangeraient doucement avec quelques recrutements et la constitution d'un réseau d'une dizaine de formateurs… Le ministère de l'Écologie n'a cependant pas pris la peine de répondre à nos sollicitations dans les temps pour faire sa réclame et afficher ses ambitions…
PARTAGEZ
À LIRE ÉGALEMENT
Marie-José Yvon-Passenaud : « Il nous faut enclencher une nouvelle dynamique »
Marie-José Yvon-Passenaud : « Il nous faut enclencher une nouvelle dynamique »
Jérôme Dufieux reconduit à la tête de l'Alcome
Jérôme Dufieux reconduit à la tête de l'Alcome
Lancement de l'Observatoire de la Qualité des Environnements Intérieurs (OQEI)
Lancement de l'Observatoire de la Qualité des Environnements Intérieurs (OQEI)
Un partenariat pour dépolluer les milieux aquatiques avec des cheveux recyclés
Un partenariat pour dépolluer les milieux aquatiques avec des cheveux recyclés
Tous les articles Pollutions
L'essentiel de l'actualité de l'environnement
Ne manquez rien de l'actualité de l'environnement !
Inscrivez-vous ou abonnez-vous pour recevoir les newsletters de votre choix dans votre boîte mail
CHOISIR MES NEWSLETTERS