Créés sur le modèle des baux emphytéotiques prévus par l'article L. 451-1 du Code rural et de la pêche maritime, les baux emphytéotiques administratifs (BEA) sont encadrés par des règles précises qui en fixent notamment la durée et l'objet. Mis en place dès 1988, les BEA sont des contrats particuliers que les collectivités territoriales peuvent conclure, en application des dispositions de l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) pour autoriser l'occupation privative temporaire de leur domaine public ou privé immobilier. Conclus pour une longue durée (comprise entre 18 et 99 ans), ils octroient au bénéficiaire des droits réels sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise sur le domaine occupé. Le recours à cette formule est en outre autorisé sur les dépendances du domaine public afin de favoriser le financement privé d'ouvrages publics. Le BEA permet ainsi à une collectivité territoriale, propriétaire d'un terrain, de le louer à un tiers, qui pourra construire un ouvrage sur le domaine public et ensuite le louer à cette collectivité.
I. Conditions de recours
Le BEA a pour but soit d'accomplir, pour le compte d'une collectivité territoriale, une mission de service public, soit de réaliser une opération d'intérêt général entrant dans les compétences de la collectivité intéressée, soit d'affecter à une association cultuelle un édifice du culte ouvert au public. Il permet en outre la réalisation d'enceintes sportives et des équipements connexes nécessaires à leur implantation ou, à l'exception des opérations réalisées en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public, de leur restauration, de la réparation, de l'entretien-maintenance ou de la mise en valeur de ce bien.
Le champ d'application du BEA est large car il concerne tous les terrains appartenant à la collectivité, sauf le domaine public concerné par le champ d'application de la contravention de voirie (comme les voies publiques, les voies ferrées, le domaine public fluvial...). L'originalité de ce bail est de conférer au preneur un droit réel sur le bien immobilier appartenant à la collectivité. Toutefois, cette dernière doit systématiquement donner son accord en cas de cession du bail ou d'hypothèque. Elle conserve également la possibilité de résilier unilatéralement le bail, sans toutefois porter atteinte aux droits pécuniaires du preneur.
Le recours au BEA est par ailleurs ouvert jusqu'au 31 décembre 2013, pour la réalisation d'une opération d'intérêt général liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales ou d'un service départemental d'incendie et de secours. La loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure a en effet permis l'application de la procédure BEA pour réaliser sur le domaine public des collectivités des investissements immobiliers liés aux besoins de la police et de la gendarmerie nationales. À noter, au-delà d'un million d'euros de loyer annuel, tout BEA pour une opération liée aux besoins de la justice, la police ou la gendarmerie nationale doit faire l'objet d'une évaluation préalable (R. 1311-1 du CGCT).
Les BEA police-gendarmerie, comme les autres BEA sectoriels, autorisent la conclusion de contrats de crédit-bail pour financer les constructions prévues. En outre, les dépenses engagées par les collectivités territoriales sont éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) si les bâtiments concernés sont mis à disposition de l'État à titre gratuit. La loi 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat a en effet reconnu l'éligibilité au FCTVA de la partie investissement des BEA d'un montant inférieur à un certain seuil et passés après une évaluation préalable.
II. Mesures de publicité
L'article L. 1311-2 du CGCT précise désormais que les conclusions des BEA sont précédées, le cas échéant, d'une mise en concurrence et de mesures de publicité, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. Le décret n° 2011-2065 du 30 décembre 2011 (R. 1311-2 du CGCT) fixe ainsi les modalités de passation lorsque les BEA sont accompagnés d'un contrat de la commande publique. La règle retenue est simple : la règle de passation d'un tel BEA est celle du contrat de la commande publique (marché public, concession de travaux, délégation de service public, contrat de partenariat) sur lequel il s'adosse. L'article R. 1311-2 prévoit ainsi que la conclusion des BEA, accompagnés d'une convention non détachable qui constitue un marché public, une délégation de service public, un contrat de partenariat ou une concession de travaux publics, est précédée d'une publicité et d'une mise en concurrence selon les règles applicables à ces contrats. Il prévoit en outre que cette obligation s'applique également aux baux qui comportent des clauses s'analysant comme une convention présentant les caractéristiques des contrats sus-mentionnés.
À noter enfin en l'absence de dispositions en ce sens aux articles L. 1311-2 et suivants du CGCT, les projets réalisés sous la forme de BEA ne sont pas éligibles aux « subventions, redevances et autres participations financières », contrairement à ceux réalisés sous la forme de contrats de partenariat.
Textes de référence
Code général des collectivités territoriales
Section I : Bail emphytéotique administratif Article L. 1311-2
Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du Code rural et de la pêche maritime, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence ou en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public ou en vue de la réalisation d'enceintes sportives et des équipements connexes nécessaires à leur implantation ou, à l'exception des opérations réalisées en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifi ce du culte ouvert au public, de leur restauration, de la réparation, de l'entretien-maintenance ou de la mise en valeur de ce bien ou, jusqu'au 31 décembre 2013, liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales ou, jusqu'au 31 décembre 2013, liée aux besoins d'un service départemental d'incendie et de secours. Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif.
Un tel bail peut être conclu même si le bien sur lequel il porte, en raison notamment de l'aff ectation du bien résultant soit du bail ou d'une convention non détachable de ce bail, soit des conditions de la gestion du bien ou du contrôle par la personne publique de cette gestion, constitue une dépendance du domaine public, sous réserve que cette dépendance demeure hors du champ d'application de la contravention de voirie.
Tout projet de bail emphytéotique administratif présenté pour la réalisation d'une opération d'intérêt général liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales dont le loyer est supérieur à un montant fi xé par décret en Conseil d'État est soumis à la réalisation d'une évaluation préalable dans les conditions fi xées à l'article L. 1414-2.
Les conclusions de baux mentionnées aux alinéas précédents sont précédées, le cas échéant, d'une mise en concurrence et de mesures de publicité, selon des modalités fi xées par décret en Conseil d'État.
Article L. 1311-3
Les baux passés en application de l'article L 1311-2 satisfont aux conditions particulières suivantes : 1° Les droits résultant du bail ne peuvent être cédés, avec l'agrément de la collectivité territoriale, qu'à une personne subrogée au preneur dans les droits et obligations découlant de ce bail et, le cas échéant, des conventions non détachables conclues pour l'exécution du service public ou la réalisation de l'opération d'intérêt général ; 2° Le droit réel conféré au titulaire du bail de même que les ouvrages dont il est propriétaire sont susceptibles d'hypothèque uniquement pour la garantie des emprunts contractés par le preneur en vue de fi nancer la réalisation ou l'amélioration des ouvrages situés sur le bien loué.
Ces emprunts sont pris en compte pour la détermination du montant maximum des garanties et cautionnements qu'une collectivité territoriale est autorisée à accorder à une personne privée.
Le contrat constituant l'hypothèque doit, à peine de nullité, être approuvé par la collectivité territoriale ; 3° Seuls les créanciers hypothécaires peuvent exercer des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution sur les droits immobiliers résultant du bail.
La collectivité territoriale a la faculté de se substituer au preneur dans la charge des emprunts en résiliant ou en modifi ant le bail et, le cas échéant, les conventions non détachables. Elle peut également autoriser la cession conformément aux dispositions du 1° ci-dessus ;
4° Les litiges relatifs à ces baux sont de la compétence des tribunaux administratifs ;
5° Les constructions réalisées dans le cadre de ces baux peuvent donner lieu à la conclusion de contrats de crédit-bail. Dans ce cas, le contrat comporte des clauses permettant de préserver les exigences du service public ; 6° Lorsqu'une rémunération est versée par la personne publique au preneur, cette rémunération distingue, pour son calcul, les coûts d'investissement, de fonctionnement et de fi nancement.
Article L. 1311-4
Les dispositions des articles L. 1311-2 et L. 1311-3 sont applicables aux établissements publics des collectivités territoriales et aux groupements de ces collectivités.
Article L. 1311-4-1
Jusqu'au 31 décembre 2013, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale peuvent construire, y compris sur les dépendances de leur domaine public, acquérir ou rénover des bâtiments destinés à être mis à la disposition de l'État pour les besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales.
Jusqu'au 31 décembre 2013, les conseils généraux peuvent construire, y compris sur les dépendances de leur domaine public, acquérir ou rénover des bâtiments destinés à être mis à la disposition des services départementaux d'incendie et de secours.
Une convention entre l'État et la collectivité ou l'établissement propriétaire précise notamment les engagements fi nanciers des parties, le lieu d'implantation de la ou des constructions projetées et le programme technique de construction. Elle fi xe également la durée et les modalités de la mise à disposition des constructions.
Les constructions mentionnées au présent article ainsi que celles qui sont réalisées dans le cadre de contrats de partenariat peuvent donner lieu à la conclusion de contrats de crédit-bail. Dans ce cas, le contrat comporte des clauses permettant de préserver les exigences du service public.
Article R. 1311-1
Le montant annuel du loyer, au-delà duquel tout projet de bail emphytéotique administratif présenté pour la réalisation d'une opération d'intérêt général liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales est soumis à la réalisation d'une évaluation préalable en vertu du troisième alinéa de l'article L. 1311-2, est fi xé à un million d'euros hors taxes.
Les modalités de fi nancement du coût de l'évaluation mentionnée à l'alinéa précédent sont fi xées par une convention conclue entre l'État et la collectivité territoriale, le groupement ou l'établissement public propriétaire du bien faisant l'objet du bail emphytéotique administratif.
Article R. 1311-2
Lorsque l'un des baux emphytéotiques administratifs mentionnés à l'article L. 1311-2 est accompagné d'une convention non détachable constituant un marché public au sens de l'article 1er du Code des marchés publics, une délégation de service public au sens de l'article L. 1411-1 du présent code, un contrat de partenariat au sens de l'article L. 1414-1 ou un contrat de concession de travaux publics au sens de l'article L. 1415-1, sa conclusion est précédée des mesures de publicité et de mise en concurrence prévues par les dispositions applicables à ce contrat.
L'obligation mentionnée à l'alinéa précédent s'applique également aux baux qui comportent des clauses s'analysant comme une convention non détachable présentant les caractéristiques des contrats mentionnés à cet alinéa.