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Accueil > Actualités > Territoires > Peut-on tout faire sur la voie publique ? Première partie : La voie publique, un espace de liberté
TERRITOIRES

Peut-on tout faire sur la voie publique ? Première partie : La voie publique, un espace de liberté

PUBLIÉ LE 1er JUILLET 2015
LA RÉDACTION
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Le magazine pour les acteurs et décideurs du développement durable et des métiers de l’environnement.
La voie publique a été définie comme « tout passage accessible, route ou chemin, ouvert au public »1 , relevant ou non du domaine public. Celui-ci comprend « l'ensemble des biens affectés à l'usage direct du public ou (…) à un service public pourvu qu'en ce cas il fasse l'objet d'un aménagement indispensable à l'exercice des missions de service public2 », tels que, par exemple, l'Allée des Alyscamps en Arles3 , des promenades publiques4 , des squares5 , la dalle centrale du quartier de la Défense6 ou la place d'Armes de Versailles, « affectée à la circulation générale »7 . Ainsi, pour la Cour de cassation8 , « les voies appartenant au domaine public sont, de par leur destination même, affectées à l'usage de la circulation et du stationnement ». De même, un mur de soutènement, situé à l'aplomb d'une voie publique, permettant d'éviter la chute de matériaux en provenance des fonds riverains « doit être regardé comme un accessoire de la voie publique (…) nécessaire à la sécurité de la circulation, même s'il a aussi pour fonction de maintenir les terres des parcelles qui la bordent »9 . L'existence même du domaine public routier, appartenant pour l'essentiel à l'État, aux départements10 et aux communes11 , bénéficie d'une garantie constitutionnelle du fait des droits et libertés qui s'y exercent12 . Les communes sont propriétaires de leurs voies13 , des routes situées en agglomération et affectées à la circulation publique14 , ainsi que des routes expresses à grande circulation15 et des chemins ruraux affectés à l'usage du public mais non classés voies communales16 , qui ne font pas partie du domaine public sauf à y être incorporés par un acte de classement. Le maire y exerce la police de la circulation et de la conservation, ainsi que sur les routes nationales et départementales situées dans l'agglomération17 , à l'exception des routes à grande circulation relevant de la compétence du préfet, sauf dérogations à son profit18 . Quant aux voies privées, la partie réglementaire du Code de la route s'y applique si elles sont ouvertes à la circulation publique19 , le règlement intérieur s'imposant dans le cas contraire et la police ne pouvant y verbaliser les infractions, même en cas d'autorisation de pénétrer dans les parties communes d'un immeuble (parkings, garages) pour les sécuriser (art. L. 126-1 Code de la construction et de l'habitation) ou pour mettre en fourrière ou détruire « les véhicules laissés, sans droit, dans les lieux publics ou privés où ne s'applique pas le Code de la route », à la demande du syndic et sous sa responsabilité, après mise en demeure du propriétaire (art. L. 315-12 et R. 325-47 1 et s. C. route). Le maire y exerce ses pouvoirs de police20 , sauf si leurs propriétaires en interdisent l'usage au public21 , les véhicules de pompiers pouvant toutefois les emprunter22 , mais le maire n'ayant pas le droit de les rouvrir à la circulation sans leur accord23 . De plus, il faut distinguer les « chemins ruraux », affectés à l'usage du public et relevant du domaine privé de la commune, des « chemins d'exploitation » réservés aux propriétaires des parcelles24 , les contestations relevant de l'autorité judiciaire et la commune bénéficiant d'une présomption de propriété qu'il appartient aux exploitants privés de faire tomber25 . Enfin, la notion de voie publique ne doit pas être confondue avec celle, plus large, d'espace public26 , mentionnée par la loi n° 20110-1192 du 11 octobre 2010, qui y interdit « la dissimulation du visage » et le définit comme « constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public », que l'on rencontre également dans diverses dispositions du Code de l'urbanisme27 . Nous montrerons que si la voie publique est, en principe, un espace de liberté, elle demeure néanmoins soumise à diverses restrictions générales de police ainsi qu'à certaines restrictions spécifiques. I. LA VOIE PUBLIQUE, UN ESPACE DE LIBERTÉ A. La liberté d'aller et de venir 28 En 1789, si la « Déclaration » n'a pas proclamé la liberté d'aller et de venir, le passeport intérieur a toutefois été supprimé, comme en 1890 le livret ouvrier. La Constitution de 1791 (Titre Ier ) a mentionné la liberté « d'aller, de rester, de partir » et, en avril 1946, la déclaration jointe au projet de constitution assurait que : « Tout homme a le droit de se fixer en tout lieu et de se déplacer librement. » On retrouve cette affirmation dans la Déclaration universelle de 1948 (art. 13), le Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques (art. 12), le Protocole additionnel n° IV à la Conv. EDH29 , ou encore dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne30 . Le Conseil constitutionnel31 a censuré la loi qui permettait aux officiers et agents de police judiciaire de procéder, même d'office, sur les voies ouvertes à la circulation publique, à la visite des véhicules et de leur contenu32 , le caractère trop général et imprécis de ces dispositions portant atteinte « aux principes essentiels sur lesquels repose la protection de la liberté individuelle » garantie par la Constitution33 . Puis34 , (ainsi que par de nombreuses décisions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers35 ), il a expressément rattaché la liberté d'aller et de venir à cette « liberté individuelle », via une lecture “séparatiste” des deux alinéas de l'article 66 de la Constitution érigeant l'autorité judiciaire en gardienne exclusive de cette dernière largo sensu, alors même que le TC36 et le CE37 n'y voyaient que l'une des expressions du principe de liberté garanti par la Déclaration de 1789. Dans un second temps le Conseil constitutionnel, par une lecture liée des deux alinéas de cette disposition, a distingué les mesures privatives de liberté (garde à vue, détention provisoire, vérifica-tion d'identité, placement des étrangers en zone d'attente ou en centre de rétention administrative, toutes formes d'“internements”, arbitraires ou non, relevant de la compétence de l'autorité judiciaire) et celles seulement restrictives de liberté (assignation à résidence, éloignement du territoire des étrangers, “couvre-feux” pour mineurs, arrêtés anti-mendicité, etc.), relevant de la police administrative et de la compétence des juridictions administratives38 car relatives à la seule liberté d'aller et de venir, désormais distincte de la « liberté individuelle »39 et bientôt rattachée à la « liberté personnelle », li-berté fondamentale basée sur les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 dont la protection ne relève plus de l'autorité judiciaire40 , sauf voie de fait. B. Conséquences pour ce que l'on peut faire sur la voie publique On peut, sauf exceptions, y circuler et y stationner librement et gratuitement. Liberté : le juge administratif censure les entraves à la liberté d'aller et de venir trop générales et absolues telles que la soumission des promenades en montagne à déclaration préalable en mairie et embauche d'un guide local41 , l'interdiction de circuler sur la voie publique en maillot de bain ou en peignoir42 , ou celle de stationner sur toutes les rues de la commune43 , celle faite aux patients d'un sanatorium d'arpenter les voies du centre-ville44 ou celle opposée aux véhicules publicitaires de se produire sur tout l'espace communal45 , l'interdiction infligée aux nomades de stationner sur l'ensemble d'un département46 , celle de tout affichage dans une agglomération47 , celle de vendre des glaces par colportage sur l'ensemble des voies et plages d'un département48 , celle de remiser des véhicules de location sur la voie publique communale49 , celle opposée aux camping-cars de stationner sur l'emprise des routes de la commune50 , la prohibition des « pedi-cabs »51 , celle de toute circulation et stationnement des véhicules lourds sur les voies et chemins communaux52 , ou encore l'interdiction à tous les véhicules motorisés d'emprunter une “levée” de la Loire réservée aux randonneurs et aux cyclistes53 . Le juge administratif censure également le refus du Premier ministre d'abroger un décret exigeant des visiteurs, même français, se rendant en Polynésie la présentation d'une carte d'identité datant de moins d'un an54 . De même, on peut penser que les autorités de police confrontées à un blocage des routes d'une certaine durée par des camionneurs engageraient leur responsabilité, soit pour faute soit pour rupture de l'égalité des usagers. En revanche, il a été jugé que les restrictions à la liberté d'aller et de venir résultant de l'interdiction faite à certains véhicules de circuler, hors des voies revêtues, dans des espaces naturels de montagne55 ou de l'instauration d'un régime de déclaration ou d'autorisation pour les regroupements de véhicules à moteur organisés sur les voies ouvertes ou dans des lieux non ouverts à la circulation publique (« concentrations ») sur l'ensemble du territoire national56 n'étaient pas excessives au regard des impératifs de la sécurité publique57 , tout comme les prescriptions de l'article L. 362-3 du Code de l'environnement spécifiant que « l'ouverture des terrains pour la pratique des sports motorisés conçus pour la progression sur neige est interdite, sauf sur les terrains ouverts », dans certaines conditions58 , jusqu'à l'intervention de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, article 22, qui a autorisé ces transports vers les restaurants d'altitude. Pour sa part, le Conseil constitutionnel a précisé59 que les mesures de fermeture de camps de Roms, susceptibles d'affecter l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, dont celle d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle, devaient être justifiées par la nécessité de préserver l'ordre public et proportionnées à cet objectif. Néanmoins, les piétons, auxquels peuvent être réservées des zones de circulation exclusive60 , ainsi que les utilisateurs de rollers, skateboards, trottinettes et autres engins à roulettes non motorisés61 qui leur sont assimilés doivent donc circuler sur les trottoirs62 , traverser la chaussée sur les passages protégés63 et respecter les feux de signalisation64 . Ils peuvent être poursuivis pour infractions au Code de la route, voir leurs responsabilités civile et pénale engagée s'ils provoquent des dommages ; et l'utilisation des engins peut être réglementée pour des raisons de sécurité65 . En revanche, les “voiturettes” conduites sans permis sont des véhicules à moteur devant circuler sur les routes et sont susceptibles d'entraîner pour leurs conducteurs diverses condamnations, précisées par la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la sécurité routière. Quant aux cyclistes, ils doivent circuler sur la chaussée (art. R 412-7 C. route) et sont donc, sauf exceptions66 , interdits sur les trottoirs, sous peine d'une contravention de 4e classe. S'ils sont parfois autorisés à brûler les feux rouges67 , ils doivent bien entendu respecter le Code de la route68 , mais ne peuvent se voir retirer des points en cas d'infraction69 . Outre la création de « voies vertes » réservées à la circulation des véhicules non motorisés, en agglomération (art. R 413-14 C. route) et en dehors (art. R 413-3), ou des cavaliers (art. R 110-2), avec sanctions pour les contrevenants (art. R 412-7 et R 417-10), les communes ont l'obligation de créer des itinéraires cyclables urbains sur le domaine public70 . Les atteintes à la liberté d'aller et de venir ou à ce que Duguit qualifiait de « service public de la circulation »71 , constituent souvent des voies de fait, entraînant la compétence des juridictions judiciaires, qu'il s'agisse de l'exécution forcée irrégulière d'une décision, par exemple empêchant le libre accès à des propriétés bordant la voie publique72 , ou d'actes manifestement insusceptibles de se rattacher à un pouvoir de l'administration, tels que la confiscation d'un passeport par la police de l'air et des frontières73 ou le maintien d'un automobiliste en chambre de dégrisement hors du champ d'application des articles pertinents du Code des débits de boissons ou, désormais, du Code de la santé publique. Toutefois, le domaine de la voie de fait ne cesse de régresser au profit de celui du référé-liberté devant le juge administratif de l'urgence lorsque l'atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d'aller et de venir a été commise dans le cadre d'un pouvoir appartenant à l'autorité administrative74 , comme la saisine de marchandises d'un vendeur à la sauvette en situation irrégulière75 , le retrait ou le refus de délivrance illégaux de cartes nationales d'identité76 ou le retrait irrégulier de points du permis de conduire. Enfin, le Tribunal des conflits77 a jugé qu'il ne peut y avoir désormais voie de fait qu'en cas d'atteinte à la « liberté individuelle » (dont la « liberté d'aller et de venir » ne fait plus partie) et non plus à une « liberté fondamentale », ou bien d'« extinction » (et non plus d'« atteinte grave ») au droit de propriété, là encore au bénéfice du champ du référé-liberté devant le juge administratif de l'urgence (également compétent pour faire cesser une voie de fait78 ). Gratuité : sauf texte contraire ou « usage anormal », les utilisations non privatives de la voie publique sont gratuites. Ainsi, le Conseil d'État79 a censuré l'instauration par le maire d'un droit de péage pour accéder à une route de passage du Tour de France, ou encore l'arrêté soumettant l'entrée et la sortie d'un territoire d'outre-mer au paiement d'une taxe80 . Néanmoins, des exceptions à cette gratuité existent, tant en matière de circulation que de stationnement sur la voie publique. Circulation : sans même évoquer les nombreuses taxes qui accablent les automobilistes (TVA, taxes sur les assurances, sur les carburants, les cartes grises, « taxe différentielle » ou « vignette » théoriquement destinée aux personnes âgées, disparue en 2006, « écotaxe » abandonnée en 2014, etc.), on rappellera que les péages, abolis par le décret des 15/28 mars 1790, « considérant que le régime féodal est entièrement détruit »81 , puis progressivement réintroduits pour les départements sous le Directoire et le Consulat, furent à nouveau supprimés pour les « grandes routes » en 1806 puis pour les ponts (loi du 14 Floréal An X, reconduite chaque année par la loi de finances à partir de 1817) et enfin par la loi du 30 juillet 188082 , ont été rétablis du fait du recours à la formule de la concession83 , qui économise les deniers publics et fait payer l'usager plutôt que le contribuable. Cela a d'abord été le cas pour certaines voies navigables (lois des 27 février 1912 et 9 avril 1953, loi de finances pour 1976, art. 58), pour le pont de Tancarville (convention du 18 déc. 1950, ratifiée par la loi n° 51-558 du 17 mai 195184 ) et surtout pour les autoroutes (loi du 18 avril 1955, art. 4 : « L'usage des autoroutes est en principe gratuit »… sauf concession) ainsi que pour de nombreux ouvrages d'art (viaducs d'Oléron, de St-Nazaire, de Millau), qui, comme les bacs, sont une continuation de la route et, dès lors, sont incorporés à la voirie85 . Cette évolution a été validée par la loi du 12 juillet 1979 (« Par dérogation à la loi du 30 juillet 1880 (…), il peut être institué, à titre exceptionnel et temporaire, lorsque l'utilité, les dimensions et le coût de l'ouvrage (…) ainsi que le service rendu le justifient, une redevance pour son usage ») afin de surmonter l'arrêt du Conseil d'État Comité d'action et de défense des intérêts de l'Île d'Oléron86 avec l'aval du Conseil constitutionnel87 au motif que si la liberté d'aller et de venir est un principe de valeur constitutionnelle, celui de gratuité, de valeur simplement législative (art. L. 122-4 Code de la voirie routière) n'en est pas le corollaire et peut donc être écarté dans certains cas car « il ne saurait résulter (de la loi du 30 juill. 1880) que le principe de gratuité de la circulation doit être regardé comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République ». La loi du 19 juin 1986 a ensuite étendu ce principe aux ouvrages d'art nationaux et départementaux88 et celle du 2 février 1995 (art. 49) a inséré dans le Code de la voirie routière un article L. 173-3 permettant aux conseils généraux (aujourd'hui “départementaux”) d'instituer, sur demande de la majorité des communes d'une île reliée au continent par un ouvrage d'art ou de leurs regroupements, un droit départemental de passage dont le produit est affecté au financement des mesures de protection et de gestion des espaces naturels, avec tarifs préférentiels pour les usagers domiciliés dans l'île ou y travaillant89 . Redevances pour service rendu et non taxes fiscales90 , les péages peuvent être fixés par voie réglementaire91 , à condition de correspondre, « dans la limite d'un tarif maximal, à la contrepartie du service rendu aux usagers, qui consiste dans la commodité, la rapidité, la sécurité et l'économie éventuelle du parcours »92 , et d'être proportionnés au coût de ce dernier, mais non pour financer n'importe quel type de dépense supportée par le concessionnaire93 . Des traitements ou tarifs différents peuvent, sans méconnaître le principe constitutionnel d'égalité, être appliqués à des usagers eux-mêmes en situation différente par rapport à l'ouvrage (résidents, travailleurs, cf. supra94 ), y compris en ce qui concerne la densité de circulation en fonction des jours et des heures, dans l'intérêt général d'une plus grande fluidité du trafic95 . Le non-règlement du péage entraîne le paiement d'une contravention96 , même si l'accès à l'autoroute a été imposé par la police ou si des travaux en ont rendu une partie inutilisable97 . L'article 58 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite Grenelle II, a modifié l'article L. 130-4-8° du Code de la route pour donner aux agents des exploitants d'une autoroute le droit de relever par procès-verbal (PV) les contraventions prévues par la partie réglementaire dudit code (art. R 130-8) pour non-respect de ces péages, l'action publique pouvant être ensuite éteinte par une transaction (sauf pluralité d'infractions simultanées), c'est-à-dire par le versement d'une indemnité forfaitaire dans les deux mois de la réception de l'avis de paiement, faute de quoi le PV est transmis au parquet en vue du règlement d'une amende forfaitaire majorée (art. 5296 nouveau du CPP). En application de cinq arrêts rendus par la CJCE le 12 septembre 2000 suite à un recours en carence relatif au régime fiscal des péages autoroutiers98 , le CE99 avait jugé que la TVA était réputée incluse dans le prix des péages et que celle payée depuis 1996 devrait être restituée aux transporteurs. L'article 111 de la loi de finances rectificative pour 2005 avait visé à priver d'effet cet arrêt, mais le CC100 l'a censuré pour « atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et à la garantie des droits ». De nombreux transporteurs assignèrent donc les sociétés concessionnaires, afin qu'on les oblige à délivrer des factures rectificatives, devant les tribunaux de commerce (litiges entre sociétés commerciales) ou, parfois, devant les tribunaux administratifs. Le Tribunal des conflits101 , saisi de quelques cent quarante arrêtés de conflit, précisa qu'« une société concessionnaire a pour activité l'exécution d'une mission de service public administratif102 , sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les péages, qui ont un caractère de redevances pour service rendu, sont assujettis à la TVA » et que « les usagers (…), même abonnés, sont dans une situation unilatérale et réglementaire à l'égard du concessionnaire » et « qu'il en résulte que les litiges pouvant naître entre ces usagers et le concessionnaire quant au principe et au montant du péage, y compris pour la délivrance de factures afférentes à ce péage, relèvent de la compétence de la juridiction administrative »103 , en dépit de la privatisation de ce secteur104 et nonobstant la prégnance de plus en plus forte du droit de l'Union européenne105 . Le Tribunal des conflits106 avait estimé que les marchés de travaux conclus par les sociétés concessionnaires avec des entreprises privées relevaient « par nature » des missions de l'État et donc de la compétence du juge administratif en dépit de l'évolution des modes d'action publique en la matière, privilégiant le critère matériel sur le critère organique. Mais, par sa décision du 9 mars 2015107 , il a mis l'accent sur ce dernier, considérant qu'« une société concessionnaire d'autoroute qui conclut avec une autre personne privée un contrat ayant pour objet la construction, l'exploitation ou l'entretien de l'autoroute ne peut, en l'absence de conditions particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l'État » et, dès lors, « les litiges nés de l'exécution de ce contrat ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire »108 . La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II) a transposé deux directives relatives aux télépéages109 que devaient payer les poids lourds en contrepartie de l'émission de gaz polluants (art. 58) et à un système de modulation des péages autoroutiers spécifiques aux transports de personnes et de marchandises en fonction de certains critères écologiques (art. 60). La technique dite de l'adossement110 a permis de faire financer de nouveaux tronçons, peu rentables, par les péages perçus sur le réseau existant, dont les concessions ont ainsi pu être prolongées. Les sociétés d'autoroutes versent en contrepartie à l'État, propriétaire des infrastructures, une redevance domaniale calculée en fonction de leur chiffre d'affaires et du nombre de kilomètres concédés111 . Le gouvernement, par un “fait du prince”, a envisagé de la multiplier par trois en 2009112 , tout comme en 2013 et 2014 le montant des péages eux-mêmes, malgré les avis réservés de la Cour des comptes113 et de l'Autorité de la concurrence114 , allant même jusqu'à suspendre leur hausse annoncée (le 27 janv. 2015) et envisager une renégociation des contrats, voire une résiliation anticipée des concessions115 , trop coûteuse en fait (50 milliards d'euros). Au final, la hausse de 1,07 % annoncée des tarifs des péages a été gelée pour 2015, le 9 avril de cette même année (et différée à 2016 ou 2017) en échange d'une participation des sociétés d'autoroutes à un plan de relance (validé en 2014 par la Commission européenne) de 3,2 milliards d'euros. De plus, le projet de loi Macron, adopté par les députés le 10 juillet 2015, vise à transformer l'Autorité de régulation des activités ferroviaires en Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, qui devrait contenir les tarifs des péages et renforcer la concurrence lors de la passation des marchés d'autoroutes116 . Si, depuis la création par Henri IV, en 1599, de l'Office du Grand Voyer, la construction de la voirie (auto)routière relève par nature de la compétence de l'État117 , que celui-ci n'a pas souhaité confier aux départements par la loi du 13 août 2004, celle n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification du droit a, par son article 101, créé dans le CGCT un article L. 2213-6-1 disposant que, dans la limite de deux fois par an, le maire peut soumettre au paiement d'un droit « l'accès des personnes à certaines voies ou à certaines portions de voies ou à certains secteurs de la commune, à l'occasion de manifestations culturelles organisées sur la voie publique, sous réserve de la desserte des immeubles riverains ». Enfin, après un premier échec en Île-de-France et à Lyon118 et une expérience à Marseille pour le tunnel du Prado Carénage119 , l'article 65 de la loi du 12 juillet 2010 (Grenelle II), citée supra, est venu permettre d'instituer, à titre expérimental et facultatif, dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants dotées d'un plan de déplacements urbains approuvé prévoyant la réalisation d'un transport collectif en site propre, pour trois ans, des péages urbains, comme à Londres ou à Rome, afin de financer une partie du coût des infrastructures de transports, après étude d'impact et mise en place desdites infrastructures et des services de transports collectifs « susceptibles d'accueillir le report du trafic lié à l'instauration du péage »120 . Stationnement : le principe est simple mais les exceptions nombreuses121 . La gratuité du stationnement, utilisation commune et non privative du domaine public – et a fortiori la gratuité de l'arrêt122 – est le corollaire de la liberté d'aller et de venir. Ainsi, pour le Conseil d'État123 , « le stationnement des véhicules est libre, à condition qu'il ait pour cause des motifs légitimes et que le véhicule soit placé de manière à gêner le moins possible la circulation, à ne pas entraver l'accès des immeubles riverains » et à ne pas constituer un « usage anormal » de la voie publique124 . Toutefois, en ville, un usage même “normal” – et bref – peut être soumis à paiement dès lors que cela ne revêt pas un caractère général et absolu, demeure (théoriquement) subsidiaire, proportionné aux difficultés, et n'implique pas de discri-mination injustifiée entre les usagers125 . Ainsi, le maire « peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement (…) 2°. Réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains »126 (art. L. 2213-2 CGCT). D'autre part, il peut, « moyennant le paiement des droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique et autres lieux publics, sous réserve que cette autorisation n'entraîne aucune gêne pour la circulation127 et la liberté du commerce »128 . Le conseil municipal doit avoir voté le principe et le taux de cette recette non fiscale du budget de fonctionnement de la commune (art. L. 2331-4-8° CGCT), dont le paiement par l'usager ne constitue en rien une autorisation d'occupation du domaine public129 . Toutefois, « le maire peut (…), par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : 2°. De fixer, dans les limites déterminées par le conseil municipal, les tarifs des droits de voirie, de stationnement, de dépôt temporaire sur les voies et autres lieux publics »130 , au même titre que tous les autres droits de caractère non fiscal prévus au profit de la commune (art. L. 2122-22 CGCT). Enfin, « sans préjudice de l'application de l'article L. 2512-14131 , le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte compétents pour l'organisation des transports urbains, lorsqu'il y est autorisé par ses statuts, peut établir sur des voies qu'il détermine une redevance de stationnement, compatible avec les dispositions du plan de déplacements urbains s'il existe. Dans le cas où le domaine public concerné relève d'une autre collectivité, l'avis conforme de cette dernière est requis hors de l'agglomération ; - La délibération établit les tarifs applicables à chaque zone de stationnement payant ; - Le tarif peut être modulé en fonction de la durée du stationnement. Il peut également prévoir une tranche gratuite pour une durée déterminée. L'acte instituant la redevance peut prévoir une tarification spécifique pour certaines catégories d'usagers et notamment les riverains », et ceci alors même que ces instances sont dépourvues de tout pouvoir de police. Des permissions de voirie peuvent être octroyées à titre de procédés d'organisation du service public, notamment de transports routiers non urbains de personnes132 , confiés aux départements par la loi d'orientation n° 82-1153 du 30 décembre 1982 puis par l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du Code des transports (art. L. 1311-1 et s. de ce dernier), qui l'exercent en régie ou par convention avec une personne publique ou privée. Le célèbre arrêt du CE Sté des autobus Antibois133 , avait relevé que le maire était en droit, « dans l'intérêt de la commodité de la circulation et de la sécurité des voies publiques, de prescrire des itinéraires spéciaux dans la traversée de la ville, d'interdire la montée ou la descente des voyageurs en dehors du ou des points dont il estimerait que la circulation ne subirait de ce fait aucun inconvénient appréciable et, d'une façon générale, d'aménager dans la commune au mieux de l'intérêt public les conditions de circulation des voitures de transport en commun assurant un service intercommunal ». Pour leur stationnement dans une gare routière, cette occupation du domaine public confère aux compagnies concernées un avantage justifiant le paiement d'une redevance134 . Longtemps considérée comme une mesure de police administrative, l'exploitation du station-nement payant sur la voie publique interdisait toute délégation135 mais la loi n° 2011-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, en déconnectant le stationnement payant des pouvoirs de police (art. 63, cf. infra), a permis son externalisation, via un marché public de service ou une délégation de service public, avec recours à des agents assermentés du cocontractant pour apposer l'avis de post-stationnement sur les véhicules concernés (art. L 2333-87 nouveau du CGCT). Le rattachement du paiement d'une redevance de stationnement à la gestion du domaine public routier, plutôt qu'à l'exercice d'un pouvoir de police par la loi du 27 janvier 2014 (et la dépénalisation corrélative des sanctions en cas de non-paiement. Cf. infra) conduit à évoquer incidemment la question de l'installation de radars ainsi que de caméras de vidéo-protection sur le domaine public routier. S'agissant des radars136 , le Conseil d'État137 a mis fin à une jurisprudence hésitante des juges du fond138 relative à la légalité des redevances instaurées par certains départements à l'encontre de l'État pour leur installation sur des voies publiques leur appartenant en considérant que, ces radars étant « intégrés aux infrastructures de circulation, il n'y avait pas occupation du domaine public routier et donc pas lieu pour l'État de verser une redevance. » De même, s'agissant des caméras de vidéo-protection, l'article L. 2125-1 du CGCP prévoit que les utilisations du domaine public pour l'accomplissement de missions de service public sont soumises à redevance, sauf exceptions et dérogations. La cour administrative d'appel de Paris139 a jugé que, « d'une part, il est constant que l'installation par l'État de ces caméras (à Paris) vise, notamment, à améliorer la sécurité routière et que, d'autre part, l'autorisation d'occupation du domaine public litigieuse est la condition naturelle et forcée de la présence de ces équipements intéressant également le service public de la sécurité publique, qui bénéficie gratuitement à tous ; que, par suite, la circonstance que cette autorisation d'occupation et d'utilisation du domaine public soit délivrée gratuitement à l'État n'est pas contraire aux dispositions de l'article L 2125-1 du CGPPP ». Le stationnement payant peut revêtir diverses modalités techniques, en particulier les horodateurs qui devraient, normalement, accepter les pièces et billets ayant cours légal140 mais ont été admis à passer, pour raisons de sécurité, par des cartes prépayées exclusivement141 . Le défaut d'affichage du ticket peut donner lieu à une contravention de 1re classe fondée sur l'article R. 417-6 C. route142 , sanctionnant « tout arrêt ou stationnement gratuit ou payant contraire à une disposition réglementaire ». Le contentieux relevait du juge administratif lorsqu'il s'agissait de contester les décisions prises par les autorités locales en la matière143 et du juge pénal en cas de non-paiement de l'amende forfaitaire (au montant guère dissuasif, surtout dans les grandes villes), pour une répression massive quantitativement (12 millions de PV en 2012, 118 248 décisions de tribunaux de police ou de juges de proximité statuant sans audience publique144 ). La loi du 27 janvier 2014, article 63, qui doit entrer en vigueur au 1er octobre 2016145 , a dépénalisé les infractions au stationnement payant146 en remplaçant ces amendes contraventionnelles par le versement, soit d'un paiement immédiat, modulable en fonction de finalités d'intérêt général (fluidité de la circulation, rotation des véhicules, respect de l'environnement) et du type d'usagers (résidents ou non), soit d'un « forfait de post-stationnement » lorsque la redevance n'a pas été, ou pas assez, réglée, dont le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'EPCI à fiscalité propre ou du syndicat mixte compétent pour l'organisation des transports urbains (et non plus le maire ou le président de l'EPCI, qui pourront toujours accorder des « permis de stationnement » sur la voie publique), non titulaires du pouvoir de police, pourront également moduler le montant et déléguer le recouvrement à un opérateur privé (art. L 2333-87 du CGCT). Prélèvement non fiscal, ce forfait s'analyse comme une redevance d'occupation du domaine public ou, si l'on préfère, d'usage commun de la voirie publique (et non comme une sanction administrative, au régime juridique trop exigeant, même s'il en présente certaines caractéristiques), dont le contentieux relèvera d'une juridiction administrative spécialisée devant siéger à Rennes, la Commission du contentieux du stationnement payant, créée par l'ordonnance n° 2015-45 du 23 janvier 2015147 , selon une procédure organisée par celle n° 2015-401 du 9 avril 2015148 : notification des avis de paiement du forfait de post-stationnement par voie électronique, recours administratif préalable obligatoire devant l'autorité dont relève l'agent ayant émis cet avis, non suspensif de la force exécutoire de ce dernier (car il constitue un titre de recettes), par dérogation à l'article L. 1617-5 du CGCT, recevabilité du recours subordonnée au paiement préalable du montant du forfait de post-stationnement et de la majoration prévue en cas de non-paiement dans les trois mois, exclusion des moyens tirés de l'illégalité pour vice de forme ou de procédure de la délibération ayant instauré la redevance de stationnement ou de l'acte par lequel la collectivité a délégué sa collecte à un tiers, juge unique sauf lorsque l'intérêt ou la difficulté de la question posée justifie une formation collégiale, etc. 149 . Le décret n° 2015-557 du 20 mai 2015150 a abrogé la peine contraventionnelle applicable en cas de non-paiement du stationnement et précisé les modalités d'information des conducteurs sur le nouveau régime ainsi que celles relatives à la désignation des agents, publics ou privés, appelés à établir les avis de paiement du forfait de post-stationnement et à l'exercice du recours administratif préalable obligatoire contre l'avis de paiement de ce forfait dans le délai d'un mois.
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