Obligation réglementaire ou choix stratégique, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à pratiquer la concertation. Mais rares sont celles qui disposent d'un responsable attitré à plein-temps. La compétence revient en général au responsable environnement ou développement durable. « Pourquoi ne pas recruter un jour un responsable concertation sorti d'une formation en sciences sociales ? » envisage cependant Christian Béranger, directeur environnement du cimentier Cemex France. En attendant, il partage la casquette avec Véronique Esvan, chargée de mission environnement, concertation et biodiversité. « Nous déployons site par site depuis 2006 une méthodologie définie dans notre vademecum de la concertation, un document interne de 70 pages réalisé par un consultant. Nous nous plaçons ainsi en appui de nos six responsables environnement et foncier régionaux pour dresser la cartographie des parties prenantes à rencontrer et définir le message à faire passer. Régulièrement formés à la gestion d'un processus de concertation et à l'usage de l'outil, ce sont ces responsables qui ont ensuite la charge de son application. Nous n'oublions pas non plus de sensibiliser commerciaux et responsables d'exploitation », reprend Christian Béranger. La multinationale d'origine mexicaine réunit par ailleurs, une fois par an en moyenne, les Clis (comités locaux d'information et de surveillance) mis en place sur ses quarante-sept carrières, organise des journées portes ouvertes ainsi que des « grands-messes » nationales avec ses partenaires associatifs.
C'est ce mode de concertation que privilégie désormais Jean-Michel Orgebin, gérant de l'usine française de production de dérivés phosphorés du hollandais Thermphos International sur son site d'Épierre (73), classé Seveso. « L'an dernier, à la suite de nombreuses plaintes, notre maison mère a investi 600 000 euros pour réduire nos rejets atmosphériques. Depuis, nos relations avec le voisinage ont complètement changé. Mon responsable sécurité et moi siégeons au comité local d'information et de concertation (Clic) Maurienne, mais c'est d'abord par une communication de proximité que nous cherchons à regagner la confiance des riverains », indique Jean-Michel Orgebin. C'est ici le responsable des ressources humaines, ancien chef de poste qui connaît bien le village et ses habitants, qui est en première ligne. Des dispositions qui, mises en place préventivement, auraient pu éviter le conflit. « Il est forcément plus facile d'établir la confiance avant la crise. Après, il devient beaucoup plus compliqué de renouer le fil du dialogue », analyse Gilles Laurent Rayssac, directeur de Res Publica. L'expert estime par ailleurs les entreprises globalement « démunies de méthode ». « Un travail d'analyse sociologique et politique est d'abord nécessaire pour préparer le dispositif de concertation, explique-t-il. Des compétences d'animation de débats publics sont ensuite indispensables. Lors d'une réunion publique, il faut savoir lire la salle : où se placent les gens en fonction de leur statut social, quelles sont leurs réactions face à certains mots-clés, quels sont les enjeux cachés... »